top of page
Rechercher
kocat

Ces labels qui comptent ou qui ont compté (pour moi) : Noise Factory records

De mémoire, il me semble que c'est avec mon fanzine Hang Up que j'ai découvert Noise Factory vers 2000. J'étais en contact avec Ed de l'agence de Promo allemande "Dense". Ed bossait pour beaucoup de labels, à l'échelle internationale. Je crois que d'ailleurs il continue toujours cette activité. Ed proposait son savoir-faire et son "carnet d'adresses" aux labels afin de faire la promotion d'un de leur album (ou plusieurs, voir même un catalogue) auprès des médias (de tout horizon : magazine, fanzine, webzine, radio...). Tout ça n'était évidemment pas gratuit, et j'avais d'ailleurs moi-même plusieurs fois hésité à faire appel à ses services. Mais je n'ai jamais eu assez de budget.



Quand j'ai commencé à concevoir Hang Up, Ed m'envoyait régulièrement des disques. Il me faisait parvenir une newsletter avec les albums dont il faisait la promo. Un jour, mon attention fût attirée par un disque de KC Accidental, édité par un label canadien, de Toronto : Noise Factory records. Je ne connaissais ni le projet, ni le label. Ed, avec les albums, fournissait une bio. Celle-ci était assez sommaire. A l'écoute de l'album "Anthems for the could've bin pills", je fûs heureusement surpris de découvrir qu'il s'agissait d'une musique moins expérimentale que le catalogue de Ed avait l'habitude de me proposer. Cette fois-ci, on était sur un genre clairement plus Post-Rock. D'après la bio, ce disque était le second de la discographie du groupe, alors que le premier n'était jamais sorti. Une bizzarerie de plus, dans cette énigmatique production. KC accidental (Brendan Canning, Charles Spearin, Kevin Drew) s'illustrait avec une musique uniquement instrumentale, aux allures cinématographiques (vous allez me dire rien de nouveau, vu le style), avec une tendance à l'improvisation quasi systématique. Le groupe offrait de longues plages, tissant progressivement des ambiences variées. C'était 2000 et nous étions au firmament d'un genre (après les voix ouvertes par Tortoise, Labradford, le label Kranky et consorts), qui aujourd'hui a, parait-il, lassé l'auditeur... Des tas de projets apparaissaient, les uns aux culs des autres, avec des disques souvent enthousiasmants (Emery Reel, Kepler, Paik, et tous les canadiens qui vont avec). KC accidental se rajoutait donc à la liste, mais avec un caractère bien singulier, une esthétique originale, lorgnant avec insistance vers le Jazz, peut être plus intensément que tout autre groupe, même ceux originaires de Chicago, avec une ligne classique de premier choix (violons, violoncelles), rappellant discrètement Rachel's. Ce disque de KC accidental était tout bonnement sublime et je dois dire qu'il me marqua profondément. Vous savez, ce plaisir secret de dégoter une merveille, et de se sentir seul à en connaître l'existence (plaisir coupable, mais plaisir quand même)... Pourtant je ne pus m'empêcher de le partager autour de moi (en premier à mon ami Stéph) et puis aux quelques lecteurs de mon fanzine.




Tant est si bien, que je pris l'initiative de contacter le label, pour en savoir plus sur le groupe et pourquoi pas sur le catalogue du label. En effet un label ayant sorti un tel disque ne pouvait que proposer des disques intéressants. Enfin, je suis parti de ce postulat, qui en règle générale, d'après mon expérience, s'est souvent vérifié.

C'était le début de l'internet massif... Noise Factory avait un site web. Je fis un message, où j'expliquais que je venais de découvrir le label, KC accidental, que j'avais un fanzine, que j'aimerai parler de l'album du groupe, que j'aimerai en savoir plus sur le label et sur ses autres productions, que j'avais moi-même un label et que je serais ravi d'échanger nos disques respectifs. Assez rapidement, je reçu une réponse de Joe English, le fondateur et responsable de Noise Factory. Son message était particulièrement avenant et sympathique. Il me témoigna sa gratitude et me répondit favorablement à toutes mes requêtes.

Quelques jours plus tard, je recevais une enveloppe en provenance de Toronto avec moult disques, des cds... Je ne me souviens plus exactement du contenu. Je crois qu'il y avait un sampler du label (pochette cartonnée), que Joe devait envoyer en guise de promo, ainsi qu'une compilation "Beautiful noise (the apocalypse)" et de mémoire l'album "Hands and knees music" de Sparrow Orang et "20 GOTO 10" de Beef Terminal.


Les années passérent et j'établis avec Joe une relation courtoise et régulière. Il me faisait parvenir toutes ses sorties, pour mon plus grand plaisir. Nous échangions également des points de vue, des contacts. Noise Factory ressemblait beaucoup à Arbouse recordings. Joe était tout seul aux commandes et essayait de faire connaître son catalogue et les artistes qu'il défendait. Il était enthousiaste, généreux et passionné. A la différence qu'il me semblait vouloir vivre de cette activité, ce qui de ma place me paraissait impossible. La France n'est pas le Canada. Joe était de ceux qui ont "l'esprit d'entreprendre", et il déployait une énergie sans limite. Je lui envoyais également les disques que je sortais. C'était l'époque du tout Cd. C'était le format le plus accessible et finalement le plus répandu encore à ce moment là. Le vinyl était trop cher... Nous discutions de nos sorties respectives. Joe me semblait avoir tout de même davantage de trésorerie que je pouvais en posséder. Tout d'abord parce qu'il avait un rythme de sortie plus effréné, qu'il travaillait avec Ed et Dense (et que ce n'était pas donné) et qu'il avait réussi à établir un réseau de distributeurs tout à fait honorable, à l'échelle internationale. Joe oeuvrait avec perspicacité et persévérance.

Pourtant son label est resté inexorablement confidentiel. Malheureusement. Joe avait fondé son label vers 1997/1998. Il mettra un terme à l'aventure une dizaine d'années plus tard, vers 2008. Et nous nous sommes perdus de vue. Lassé par la tournure des choses sans doute, regrettant le manque de visiblité malgré tous ses efforts déployés, Joe a préféré jeter l'éponge. Il laissera pourtant un catalogue absolument prodigieux, illustrant parfaitement le talent de "défricheur" et de "passeur"qu'il possédait. Son catalogue est désormais là, il existe et possède une véritable esthétique, une véritable ligne éditoriale, une véritable identité. La faute peut être aussi à une époque, où Constellation le label de Montréal a focalisé toutes les attentions, et du coup n'a pas permis à Noise Factory de rencontrer l'écho escompté... Pourtant Joe a été précurseur, c'est lui qui découvre Paik, c'est lui qui met en avant Do Make Say Think, c'est lui qui lance Broken Social Scene avec "Feel good lost". La petite histoire l'aura retenu. Je ne sais plus pour quel numéro d'Hang Up j'avais réalisé une interview de Joe. Je me souviens de ses réponses généreuses, mais déjà il laissait poindre une certaine amertume sur ses difficultés à se faire remarquer, et à être noyer dans la masse. Je me souviens de lui avoir filer des contacts de distributeurs français, car il n'arrivait pas à pénétrer le marché hexagonal, aller savoir pourquoi... Nous partagions ça, et nous nous reconnaissions sans doute dans ces difficultés et ces questionnements.

Aujourd'hui il reste tous ces disques, que j'écoute régulièrement : KC accidental bien sur (Joe a même sorti ce fameux premier album, après le second), mais aussi Sparrow Orange, Beef Terminal, Naw, Minisystem, Tinkertoy, Lowfish... Un catalogue riche, varié, éclectique.

Joe partait dans tous les sens : musiques électroniques, Post-Rock, Ambient. Et je m'y retrouvais pleinement, j'avais l'impression que Noise Factory était un cousin Outre-Atlantique, nous avions cette parenté, et cela correspondait à ce que je pouvais faire de me côté... J'ai d'ailleurs interviewé Aaron de Sparrow Orange et ce dernier m'a même donné un morceau que j'avais fait figuré à l'époque sur le sampler accompagnant Hang Up. Depuis je l'ai ressorti sur "Les Fourches Caudines" pour les 20 ans d'arbouse recordings.

Voilà un autre projet formidable défendu par Joe : Sparrow Orange. Un génie de musique mélancolique, entre Ambient, Downtempo, IDM et Post-Rock, qui sans doute n'évoque rien, à personne... Comme beaucoup d'autres choses. Joe n'a sorti qu'un album de Sparrow Orange, mais dieu qu'il est beau...

Beef Terminal est aussi un projet qui vaut le détour... 4 albums chez Noise Factory, sans doute un des plus fidèles... A la baguette, Mike Matheson, tout seul avec ses machines, pédales, guitares et autres, pour une musique là encore, hypnotique...

Et ce premier Broken Social Scene (dont les membres principaux sont tout simplement les gars de KC accidental), que dire... Sinon, faire allégeance, et écouter...

Joe est un "découvreur", je me souviens de ce projet (un seul titre sur une compilation) Fantastic Lovers dont je n'ai jamais rien su, mais qui a laissé un titre mémorable, un seul, prodigieux...


Noise Factory est de ces labels anecdotiques, méconnus, oeuvrant dans la division du"sous-underground", celle en dessous des indépendants, celle qu'une poignée d'auditeurs suit activement, et qui finissent par disparaître dans l'anonymat le plus complet. Celle ignorée par les rock-critics de tout poil, qui n'ont d'yeux que pour ce qui brille...

Reste les disques, pour ceux qui les possèdent. Restent les sentiments, les émotions à l'écoute de ces musiques. Voilà l'essentiel. Voilà qui sans doute ferait plaisir à Joe.

A noter plusieurs rééditions chez Arts & Grafts de disques initialement publiés par Noise Factory. Je pense aux disques de KC accidental et Broken Social Scene, réédités en vinyl notamment et qui sont introuvables et hors de prix aujourd'hui...





112 vues0 commentaire

Comments


Post: Blog2_Post
bottom of page