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Ces labels qui comptent ou qui ont compté (pour moi) : Orgasm records

Le bonhomme a fêté son demi-siècle il y a peu, alors je me suis dit qu’il était temps de lui rendre hommage, à ma façon et en toute discrétion.



Orgasm records et moi c’est une longue histoire, en toute humilité… Le label est né, il me semble, en 94 avec les 45t de Tongue, The Through Corners et le split des parisiens de Clair & Super Eight. En 95, Il y a bien longtemps, j’ai découvert au hasard d’une petite chronique dans le fanzine Octopus n°2 l’existence de ce label. Je crois qu’il s’agissait d’un papier sur le 7’ de Hood "A Harbour Of Thoughts". Je n’étais pas encore un familier du groupe de Leeds, mais de ce que j’avais glané comme information sur eux, cela m’avait mis en appétit et me donnait envie d’en savoir plus sur ce projet. Je ne possédais encore rien d’eux. Par je ne sais quel enchantement et quelle force, et quel désir (vous savez ce truc d’acheter une chose plutôt qu’une autre), j’entrepris de passer une commande auprès du mail-order breton (que je fréquentais assidument à l’époque) Hope "La fosse aux Loups" alias Thierry. Dans ma commande j’incorporai ce 7’. Quelques jours plus tard, je reçu mon petit colis. Je vivais encore chez mes parents, en Sologne, et ce n’était non pas le début, mais le commencement de ma discothèque personnelle, ou plutôt le début de la personnalisation de celle-ci. Je fus d’abord surpris par l’aspect bricolé du 7’, collage du visuel (en noir et blanc, silhouette d’une personne courant à proximité d’une centrale nucléaire), écriture du nom du groupe (qui restera une marque de fabrique). Je n’avais jamais imaginé qu’il puisse rentrer autant de titres sur un tel format. J’en compris les raisons en écoutant le skeud en question. Les morceaux étaient très courts, ramassés, foutraques et bordéliques à souhait. La première écoute me laissa perplexe. La chronique m’avait prévenu, je devais m’attendre à quelque chose de LoFi, et pour le coup ça l’était, mais poussé jusqu’à son extrême. Le LoFi je m’y mettais sévère, et j’écoutais Archers of Loaf, Sebadoh, Pavement, Smog et bien d’autres. Mais là, ce 7’, force était de le constater, poussait le truc assez loin. Derrière ce bordel visiblement assumé, quelques fulgurances mélodiques surgissaient. Il me fallût plusieurs écoutes répétées pour en apprécier pleinement la valeur, et en tout cas, de m’y attacher et me convaincre de ne pas avoir fait un mauvais choix. Cela me donna l’envie d’aller au-delà, et de commander le premier album de Hood "Cabled linear traction" sur Slumberland (pas l’édition initiale de chez Fluff)…


Fort de cette première expérience, et au moment où je me lançais avec mon ami Manu dans le projet d’un fanzine (@game), j’entrepris d’en savoir plus sur ce mystérieux label. Je savais qu’Orgasm était français (de ce que j’avais lu dans Octopus, et puis aussi dans Magic ! peu après sur d’autres sorties), sur Paris. En effet à la fin des chroniques des disques commentés, il y avait les coordonnées de la structure et le nom de son animateur. Je pris mon courage à deux mains et je me décidais à écrire à Stéphane, afin de lui présenter notre fanzine, sa ligne éditoriale, et de lui signifier, que s’il souhaitait faire la promotion des productions qu’il réalisait, qu’il n’hésitait pas à me les faire parvenir. Je me chargerai de m’en faire l’écho. Je crois que je joignis à mon courrier, un exemplaire du dernier numéro en date (qui était encore une feuille de chou). C’était en 96 ou 97 par là. J’avais entrepris cette démarche, sans trop y croire. J’étais assez incrédule à l’époque, et j’imaginais que le boss de ce label avait sans doute autre chose à faire, qu’à prendre du temps à me répondre.


Mais contre toute attente je reçus un petit paquet en retour. Cette fois-ci je n’étais plus en région centre, et j’avais entrepris d’être autonome, et je mettais installer en Aveyron, à Rodez plus exactement. Un choix induit par un concours de circonstances, mais qui il faut bien le dire, n’était pas forcément le meilleur endroit pour assouvir mes désirs musicaux et autres velléités (concerts, disquaires, groupes, labels). Je n’ai jamais vraiment su pourquoi Stéphane m’avait répondu, ou peut-être, me l’a-t-il dit, mais je ne m’en souviens plus. Je n’avais pas beaucoup d’atout de mon côté pourtant : un certain amateurisme dans la rédaction de mon courrier, un support qui n’était pas encore très élaboré et une situation géographique, qui pouvait laisser apparaitre une certaine déconnection de la scène musicale de l’époque. Quoi qu’il en soit, ce retour marque le début de mon aventure avec Orgasm et Stéphane. De mémoire, ce dernier m’avait adressé une gentille lettre de remerciement vis-à-vis de l’intérêt que je portais à son label et ses productions. Il avait joint pour l’occasion une cassette compilation (et son graphisme singulier et les titres écrits à la main), avec une sélection de morceaux tirés de différents disques sortis jusqu’alors, et enfin m’expliquait qu’il n’avait pas beaucoup de moyens en terme de promotion, et qu’il fallait voir au coup par coup.



C’était pour moi énorme. Je pense que c’est le premier label que j’avais contacté, et le premier label qui m’avait répondu, j’étais enchanté et pas peu fier. J’entrepris d’écouter la cassette. Il y avait dessus du Sun Plexus, du KG, du Famous Boyfriend, du Mr Quark, il me semble et peut être quelques autres trucs. Je ne connaissais rien. Je découvrais. Mais j’avais le sentiment d’être tombé sur une sacrée maison. Quelle claque et quel plaisir d’écoute. Le label semblait correspondre à l’idée que je me faisais de la musique, à savoir diverses et sans chapelles. Je pris l’initiative de faire un retour à Stéphane sur ces enregistrements, lui faisant part de mon enthousiasme et lui réitérant ma volonté de parler de sa structure et des artistes qui la composaient. C’est à partir de là que les choses sérieuses ont débuté. Stéphane me fit parvenir les nouveautés du label.

Chronologiquement je crois que cela se fit avec les sorties du 7’ de Girl Boy Girl et celui de Steward. Puis vint l’album de Famous Boyfriend. C’était dingue. Ces disques tournaient en boucle sur ma platine et j’avais le sentiment d’avoir mis la main et les oreilles sur un trésor. La Pop urgente de Girl Boy Girl me ravissait les tympans, et je regrettais un aussi bref format. Le Steward avec le remix de Downpour lorgnait vers une musique électronique brinquebalante de tout premier choix, et alors le Famous Boyfriend, un pur chef d’œuvre de Pop, LoFi, électronique et LabTop Modernclassique. Un album qui reste toujours un des sommets de ce que j’ai pu découvrir sur ces 25 dernières années. Je compris petit à petit la connexion entre Stéphane et la scène de Leeds (d’où le 7’ avec Hood). Famous Boyfriend n’était rien d’autre que le projet de deux membres de Hood justement (Andrew et Graig, futur The Remote Viewer), Downpour était le projet d’un des frères Adams de Hood (en l’occurrence Chris), Steward le projet perso de Stewart Anderson (boss de 555 recordings, membre de Boyracer…). Un filon ! Tout ça était passionnant, et je faisais mes petits articles comme convenu, faisant l’éloge de tous ces disques, en invitant nos potentiels lecteurs à se précipiter sur ces galettes, qu’ils ne le regretteraient pas, pour le moins du monde.


Stéphane m’envoyait avec régularité ses sorties. Dans le désordre et en oubliant sans doute plein de références, il y eu Mr Quark et son "Tension", hommage électronique au Jazz de Mingus, Coltrane, Monk… le 7’ de KG/NK déflagration et expérience sonores de tout premier choix, puis le Sun Plexus Lp (les strasbourgeois) et leur terrorisme musical et enfin le premier album d’Acetate Zero "Softcore paradise". Je crois qu’avant j’avais découvert le groupe avec un premier 7’ "the Sad beautiful quintessence" (un mot cher à Stéphane, comme le mois de Novembre) qui annonçait la couleur, puis deux titres sur la compilation dingue "Prosaical"où l’on retrouvait une internationale de projets sur l’axe Leeds, Paris, Grenoble, Montpellier avec Famous Boyfriend, Steward, Empress, Clair, AZ donc, Subside Madrid, Mr Quark, Cispeo, Dave’s Infusion… Acetate Zero était un projet à part dans le catalogue du label. C’était aussi le groupe de Stéphane. Et ce premier album fût une révélation pour moi. Un bijou : de Pop bricolée et bancale, de musique électronique et Post-Rock. Un disque avec plein de morceaux, courts, fragiles, parfois dissonants, parfois clairs et avec une alternance dans le chant (féminin/masculin) magique, quelques remixs dilués dans l’ensemble, signés Leverkusen (projet du batteur de Clair) aux aspirations Drum’nBass, The Remote Viewer et Steward. Comme toujours chez Orgasm le Lp sera édité à 200 exemplaires et deviendra un album cultissime du "sousunderground" indie français. Le disque sera réédité par un label américain Drumkid, dont se sera je crois l’unique sortie (peut être un truc de Hip-Hop aussi…).



Ce disque d’Acetate Zero sort en 1999 et marque un tournant pour Orgasm records. Stéphane se focalise à partir de là sur ce projet, et du coup, met en sommeil son label… Il ne reprendra le flambeau que 10 ans après, découlant de la mise en veille d’Acetate Zero, pour cette fois-ci édité son propre projet personnel Astatine. Puis enfin bouclera l’aventure avec un dernier spasm (nom des refs du label), le 69ème (chiffre hautement symbolique pour un label dénommé Orgasm).

Stéphane se décide à continuer l’édition sous une autre appellation (Fissile)…

Dans mes souvenirs, je ne sais plus quand j’ai rencontré Stéphane, physiquement pour la première fois. Peut-être en 99. Je crois que la première fois c’était à Redon (la ville de Madelin) où l’association Ultraviolet qui organisait un festival "Papa n’aime pas le bruit" m’avait invité à participer à un forum (mon tout premier). En effet je venais de mettre sur pied mon label Arbouse recordings. Stéphane et les siens y allaient aussi. Je crois que c’était pour y voir les gars de Crescent, Movietone. De mémoire il y avait à ce concert de Third Eye Foundation, avec Blonde Redhead, Prohibition aussi.



J’avais traversé la France entière avec ma vieille Super 5 commerciale, en compagnie de Glandu (alias Christophe d’Eglantine, ma toute première signature), pour un voyage épique, enfumé et délirant. J’étais arrivé à Redon épuisé, avec quelques disques d’Eglantine à présenter. Et j’avais donc découvert le personnage (Stéphane), après quelques années de correspondance (lettres, puis internet), qui si je me rappelle, était dubitatif quant à mon si long voyage pour si peu, et avec un cinglé pareil. Nous avions d’ailleurs dormi tous, chez Thierry, dans "La fosse aux loups" (le fameux mail-order évoqué plus haut). La boucle était bouclée.

2 mois plus tard on se revoyait cette fois-ci en Aveyron. A Espalion. Je l’avais en effet invité à venir participer à un festival local organisé par une association (Perse Val). Cette association m’avait mandaté de trouver quelques groupes à venir se produire pour cette soirée. J’avais tout naturellement penser à Stéphane et à son label et les artistes qui composaient le catalogue. Il n’avait pas de groupes sous la main, mais me proposa Subside, combo parisien, dans lequel il officiait en compagnie de Fab, Julee et Elsa. Y avait un titre sur "Prosaical" et un album pressenti. Je crois qu’ils avaient déboulé en train de Paris, et je les avais récupérés à la gare de Rodez. Il me semble que c’est la première fois que Stéphane posait les pieds en terre sainte (l’Aveyron), c’était avec ses rangers… Le concert de Subside (que tous les mecs d’Espalion prenaient pour des anglais) fut chaotique mais tellement émouvant. J’en garde d’ailleurs un enregistrement précieusement sur cassette.

Anecdote marrante, tout près d'Espalion il y a un lieu-dit qui se nomme Redon...


A partir de là, Stéphane est devenu mon ami, mon ami intime… Nous nous sommes vus régulièrement, au grès des aléas personnels, sur Paris, sur Montrozier, et ailleurs. Acetate Zero est devenu le groupe emblématique d’Arbouse recordings. Nous avons vécu de beaux moments, musicaux bien sûr (en frère d’armes) et bien plus. Une amitié incompressible et gravée dans le marbre… Orgasm est mon label de cœur, pour pleins de raisons, mais il reste objectivement une des plus belle aventure d’édition phonographique hexagonale qu’il me soit donné de connaitre. Un exemple aussi d’indépendance, de radicalité et de goût. Orgasm c’est un catalogue impeccable, sans fausses notes, sans accrocs, passionnants et variés. Un label culte, comme on en fait plus. Un label d’une époque révolue (celle des supports physiques, des fanzines, sans internet et ses réseaux sociaux), résolument Do It yourself, volontiers provocateur et espiègle (en bon parisien), privilégiant le vinyl et les livrant au compte-goutte. Un label tout en haut de mon piédestal personnel, qui m’a tout du long accompagné, et qui continue à le faire, et qui, n’ayons peur de rien, aura été pour moi une source permanente d’inspiration (mais avec beaucoup moins de talent). J’ai toutes ces années, participé à le faire connaître à un plus grand nombre, de ma petite place (cela me fait penser à ces moments où je mixais ces disques et où on me demandait de tout stopper car ça ne plaisait pas aux clients).


Si je devais finaliser cet ouvrage consacré aux labels auquel j’aspire (et qui ne verra jamais le jour), Orgasm serait le label en tête, qui ouvrirait les hostilités du glossaire en question. Une occasion aussi de revenir sur cette histoire passionnante des labels français du début des années 90.



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