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Ces labels qui comptent ou qui ont compté (pour moi) : Roomtone



Dans le monde de l'édition phonographique, il y a les labels rutilants et clinquants, et puis il y a la masse de structures (plus ou moins grosses) qui ne passeront jamais à la postérité. C'est ainsi. C'est une question de lumière. Cette histoire dure depuis la nuit des temps et continuera pendant longtemps. Roomtone était un microlabel new-yorkais, qui sans nul doute n'aura pas marqué l'histoire de la musique, et les esprits de ceux qui pensent la connaître. La durée de vie de ce label aura été très courte, de 1996 à 2001, et son catalogue restera du coup relativement modeste, à comparer à d'autres.

J'ai connu Roomtone, fortuitement, comme souvent. C'était en 1999, soit 3 ans après sa création, en même temps que je créais le mien (arbouse recordings). J'eus entre les mains, je ne sais pas par quel hasard, le premier Ep éponyme de Kiln, édité en 97. Je me demande si je ne l'avais pas reçu en promo, par le label directement. A cette époque j'animais avec mon copain Manu un fanzine (@game), dont j'ai déjà parlé ici même. Je ne savais rien de ce groupe, et bien entendu de ce label. Je recevais régulièrement du "matériel de promo" comme on disait de ce temps là. La musique électronique était foisonnante et incontournable. Kiln proposait une musique expérimentale et plutôt Ambient, qui s'employait à sculpter le son, en superposant des textures variées. Rien de nouveau donc, mais le groupe le faisait plutôt bien. Ils auraient pu aisément figurer au catalogue de labels anglais comme Warp, Skam et autre Leaf records. En passant, pour l'anecdote, en 2001 à l'occasion de la réalisation de "Bucolique vol.1", troisième référence de mon label, je suis rentré en contact avec Clark Rehberg, un des trois membres. Je lui ai proposé de participer au projet. Il accepta spontanément, et me transmit un morceau issu du premier album "Holo" dans une version légèrement différente. Personne ne connaissait en France, personne d'ailleurs ne me posa de questions ou ne fît de commentaires. Personne ne connait davantage, 21 ans plus tard. Il est bon de savoir que le projet continue toujours ses activités (enfin Clark tout seul me semble t-il) et que les disques sortent désormais chez Ghostly International. Je n'écoute plus leur musique désormais, j'ai perdu le fil, mais j'ai Clark alias Kiln en ami sur Instagram (ha ha)...

Roomtone est donc de ces labels qui avaient des idées, mais pas de moyens. Il atteindra son plafond de verre (expression à la mode en 2022) avec la sortie d'un disque de Tarwater, enfin plus précisément un disque de remixs ("Remixs EP"). Tarwater venait de réaliser "Silur" en 98 chez Kitty-Yo, et l'album et le duo allemand remportaient un succès plus que d'estime. Partout l'album était encensé (à juste titre). La France d'ailleurs découvrait ce projet dont un des membres était un frère Lippok de To Rococo Rot, Ronald. C'était le début de la fin de la vague allemande sur nos platines (Kreidler, Schnieder TM, To Rococo Rot, Mapstation...) et c'était à la mode de trouver cette scène intéressante, ça faisait intello.

Roomtone a senti le coup, et en 1999, ils sortent donc ce skeud (Bon enfin Roomtone c'est une personne à savoir Daniel Blumin). J'aime bien cette idée d'employer le pluriel pour un label, on imagine toujours des tas de gars à bosser derrière des bureaux. Il en est souvent rien. Celui-ci va très provisoirement sortir le label de l'indifférence. A la même époque, je faisais une interview de Blumin (dans @game), qui m'expliquait avoir repris le projet à un type qui avait pratiquement tout ficelé, mais qui avait dû abandonner pour différentes raisons, la principale le manque de perspicacité. Les remixs réunissaient quelques grands noms de l'époque à savoir Bundy K Brown (ex Tortoise, Bastro, et fondateur de Directions, membre de Pullman...), Third Eye Foundation (Matt Elliott), To Rococo Rot justement pour les plus connus, et puis Kiln et The Birdwatcher (les groupes maison). L'ensemble semble anecdotique, mais au final on est totalement conquis par le travail de relecture des intervenants. De ce temps là, ce genre de formule était très "tendance", mais ce dernier reste sans doute un des disques de remixs les plus réussis, à mes yeux. Les protagonistes s'approprient parfaitement l'univers de Tarwater, en le transcendant et au final proposer des morceaux très originaux. La même année Daniel, sortait le Cd de Crescent "Collected songs", qu'il avait sorti en vinyl l'année d'avant. Là aussi Daniel lorgnait vers une scène qui était très active à cette époque, celle de Bristol (Movietone, Planet records, Flying Saucer Attack, Third Eye donc...), avec peut être quelques arrières pensées (de succès story ?). Là encore un disque magistral, comme toute la discographie de ce projet trop méconnu (chez Fat Cat, Geographic, Planet) et que je ne peux que conseiller la découverte.

Le reste du catalogue de Roomtone est loin d'être quelconque, comme le 7' de Simon Joyner & The Fallen Men, plus Indie et dont on retrouvera un album chez Jagjaguwar.

Enfin et c'est tout à fait intéressant il est à noter que Daniel débuta son aventure d'édition phonographique avec la sortie d'abord d'un 7', puis d'un album d'un groupe français : Double Nelson. Les nancéens y ont sans doute vu l'opportunité de sortir leur album "Le grand cornet" aux States (initialement sorti chez Musidisc en France). Daniel m'expliquait dans son interview qu'il avait rencontré les français à New York lors d'un festival de la radio WNYU et qu'il avait flashé sur leur musique indéfinissable.

En 2001, Roomtone disparaîtra des radars de la production discographique, sans que l'on sache véritablement pourquoi. Une histoire courte, mais intense. Ce label, si effectivement aujourd'hui ne parle à plus personne, a tout de même toute ma sympathie, voir davantage.

Avec ma propre structure, je me retrouve dans celle de Blumin. Nous avons commencé dans les mêmes périodes. Nous partagions, je pense, la même envie de faire découvrir des projets méconnues et originaux, le même leitmotiv, à savoir faire fît des chapelles et croiser les champs... Et aussi, pour nourrir notre amertume, le même manque cruel de moyens.


P.S : la photo du logo de Roomtone est pourrie... Mais on le trouve plus nulle part... J'ai dû photographier l'article paru dans @game...







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