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J'aurai voulu être rock-critic... (Episode 1)

Dernière mise à jour : 16 déc. 2021

C'est sans doute le privilège de l'âge que d'avoir un avis sur tout, mais surtout de prendre le temps de regarder dans le rétroviseur. Jeune, j'avais deux rêves, qui pour moi, pouvaient d'ailleurs être complémentaires : être disquaire et écrire sur la musique.

J'ai fait les deux, finalement, avec plus ou moins de réussite, et de talent (je pense ici essentiellement à l'écriture et à toutes mes imperfections et manques).


C'est en découvrant sur Gonzai.com une série d'interviews consacrée à la thématique du "rock-critic", que l'idée me vint, peu à peu, de me pencher à mon tour, sur ce sujet : sans prétention, et avec humilité...

Sur Gonzai, je lis régulièrement des papiers qui ont finalement assez peu de lien avec la musique directement. Je ne lis jamais de chroniques, ou d'interviews, ou d'articles sur tel ou tel artistes.

Non je privilégie les papiers sur les "à côtés"... Gonzai est l'illustration parfaite de ce journalisme musical, finalement très "parisien" (ça commence...), et ça me va bien, c'est ce que j'en attends. Pas plus, pas moins : les épanchements de son rédacteur principal "Bester" au menu, en consommation courante, au taf quand j'ai rien à foutre ou dans des lieux de glandes habituels...


J'ai découvert cette série d'entretiens, avec une sélection de "Rock-critics" et dans la foulée le livre d'Albert Potiron (chez "Gonzai média"...), dont sont tirés, je suppose ces extraits (je n'ai pas lu le livre).

Ici donc, est réunie, "la crème de la crème" des french "rock-critics" : Conte, Manoeuvre, Sabatier, Greib, Chapus, Frakas, Assayas, Ungemuth, Laurence Romance, Lelo Jimmy Batista, Olivier Lamm, un habile mélange de vieux et de moins vieux, mais pas de jeunes vraiment. Le "rock-critic" semble être le privilège des gens "mûrs" (entre 40 et 60 ans).


Pour tout avouer je me suis régalé à la lecture de ces interviews.. J'ai été ravi, par autant de bavardages, d'excès, de provocs, de questionnements, de ressentis et parfois de stupidités...

Certains m'ont insupporté comme Ungemuth (quand vous avez lu un entretien de Nicolas Ungemuth, ça vous passe l'envie d'en lire un second...), d'autres m'ont enthousiasmé comme Laurence Romance...

Mais l'essentiel n'est pas là... Ce contenu m'a donné l'envie d'y aller de mon propre commentaire, et de partager mon avis (pour personne bien sur, tout le monde n'a pas la visibilité de Gonzaï) au sujet de la "presse musicale".


La presse musicale je la fréquente depuis un bail, comme lecteur, au début. D'abord (vers 1986) Best que je préférais à l'autre Rock'n'Folk, question mise en page, et ligne éditoriale peut être. Moins Rock pur et dur, moins Rolling Stones, plus ouvert au final. Puis j'ai découvert à mes 16 ans Les Inrocks, avec les numéros sur deux mois.



Je crois que pour mon premier, il y avait les Smiths en couv. Je l'avais chopé à

Marcillac-Vallon où j'étais en vacances. Un peu plus tard, on peut dire assez tardivement même, après mes 20 ans, il y a eu des fanzines, à la pelle, et Magic! en 95 (Magic mushroom un peu avant), Vibrations aussi.

Et puis d'autres trucs au hasard (Coda, L'Indic, Trax, Tsugi, Versus, Noise, Rock Sound...).

De tous ces titres, Magic! et ses premiers numéros, et Octopus en fanzine de luxe, restent pour moi les références. Cela me correspondait véritablement à l'époque.

Je n'ai jamais plus trouvé depuis des supports qui collaient autant à ce que je pouvais être comme auditeur avec ma frénésie de consommation de la musique et ce désir incommensurable de découverte.


Au début quand je m'y suis mis, je ne saisissais pas tout. Bien sur les journalistes faisaient références régulièrement à des choses que je ne connaissais pas. Mais, qui plus est, parfois, leurs élucubrations et autres ressentis mettaient étrangers. J'arrivais quelque fois, à la fin d'une chronique de disque, sans en avoir compris véritablement le sens, et surtout avec l'impression de n'avoir rien appris, sur l'album en question.

Peu à peu, je me suis accoutumé aux convenances propres au genre, au vocabulaire (éponyme, opus, skeuds...), et aux styles de certains auteurs.

Indéniablement, ceci m'a permis d'acquérir du savoir, peut être du coup un des objectifs les plus louable de cette presse (comme toutes les autres sans doute).

les Inrocks des débuts, Octopus et dans une moindre mesure Magic! avaient cette particularité d'être à la fois des mines d'informations, mais aussi de jouer un rôle prescripteur indéniable.

Mon appréciation de ces magazines était due à la convergence de leur ligne éditoriale, des sujets qu'ils traitaient et de "l'audiophile"(avec toute ma modestie) que je devenais.

Je n'ai plus retrouvé ça, jamais, dans toutes mes lectures suivantes.

Peut être parce que plus rien ne me parlait, plus rien ne me concernait véritablement.


Tant et si bien que quelques années plus tard (vers 96 ou 97), je décidais avec mon ami Manu (immense puit de science et de connaissance musicale, dont j'ai évoqué l'existence dans d'autres textes), de mettre sur pied notre propre publication : @game.

Nous avons monté en parallèle une association du même nom.


Le projet pris la forme d'un petit fanzine au format A5 (avec un épisode carré sur le n°5 et 6), d'abord feuille de chou, puis s'étoffant au fil des mois.

Personnellement j'avais deux objectifs (mais je pense que Manu les partageait). Je voulais parler de ce que j'aimais (et que je trouvais assez peu relayé par les médias existants à l'époque), et donc du coup de sensibiliser de potentiels lecteurs à ce dont je parlais, l'occasion bien sur d'évoquer des sujets peu traités. Mais aussi l'opportunité (faute avouer à moitié pardonner) de choper du disque gratuitement.

C'était une autre époque, où la promotion se faisait encore de manière physique (internet n'en était qu'à ses balbutiements) et de manière massive.

Avec Manu, nous étions complémentaires. Je m'occupais de la mise en forme du fanzine (Manu me soumettait également des visuels et des idées de mise en page). J'avais à l'époque un Mac IISI avec un écran 16 couleurs (qui tournait, format portrait ou paysage) et un disque dur de 32 MO. Je fonctionnais avec Quark XPress, un logiciel que j'avais appris à manipuler par ailleurs dans le cadre de mes activités professionnelles. J'avais également un petit scan manuel pour numériser des photos. Ma bécane n'était pas très rapide, mais nous nous en contentions, nous ne connaissions pas mieux. Photoshop existait bien, mais l'ordi en question n'arrivait pas à le faire fonctionner. Rien qu'en l'installant, je n'avais plus d'espace... Notre publication était donc en noir et blanc. Cela me prenait beaucoup de temps et à chaque numéro, nous faisions en sorte de nous renouveler quelque peu.

Je réalisais ensuite des matrices pour Manu et moi même, et chacun de notre côté, nous faisions des photocopies de l'ensemble, nous réalisions la reliure.

A ce propos, je ne sais pas comment Manu se débrouillait, moi je recherchais activement des boites qui faisait des photocopies à des prix compétitifs et avec la meilleure qualité possible. Sur Toulouse, il y a des boites en pagaille, qui proposaient aux étudiants des tarifs intéressants, mais le rendu n'était souvent pas au rdv. Alors je préférais payer un peu plus cher. J'en ai passé du temps à photocopier recto/verso. Tout était dans la qualité des originaux, et surtout il fallait que je ne me plante pas dans l'ordre de montage. La une, avec la 4ème de couv, ainsi de suite... C'était un casse tête. Je me souviens de ces soirées à travailler avec acharnement sur cet ordi et à essayer de faire un beau fanzine dans une maison froide.

Ensuite il y avait la diffusion. Et ça c'était encore une autre paire de manche. Manu était du côté de Tours, il s'occupait de mémoire d'en laisser sur Paris aussi et dans quelques autres villes, chez des disquaires principalement. J'en faisais de même pour mon coin (Rodez, Toulouse, Albi, Montpellier...). Nous avions quelques dépôts par-ci, par là, et des abonnés... Diffuser n'était pas chose aisée, et récupérer l'argent des ventes non plus. C'était le début d'une activité financée principalement par notre argent personnel et cette habitude va durer longtemps pour moi.

Nous nous étions également partagés les contacts, convenant ensemble, d'être les interlocuteurs privilégiés de ces labels et autres maisons de disques qui existaient alors. C'est ainsi que nous avons commencé à nous créer nos propres réseaux, s'interdisant d'intervenir dans ceux de l'autre. J'étais ainsi en contact avec Tripsichord , Delabel, EastWest, Media7, BMG ou des labels indépendants et Manu avec Labels, Pias et bien d'autres, dont je ne me souviens plus. Les maisons de disques étaient organisées avec un service "relations presse - promo". J'étais en contact avec des personnes dont le poste était "chargé de promo", souvent il s'agissait de stagiaires, qui restait en place plus ou moins longtemps. C'était d'ailleurs toujours un peu frustrant. Nous mettions du temps à établir des relations étroites avec ces personnes et du jour au lendemain il fallait tout recommencer. Il fallait à nouveau parler de notre publication, de sa ligne éditoriale, de l' intérêt à travailler ensemble et de convaincre à nouveau que notre support avait de l'audience (car tout était conditionné à ça). Dans les maisons de disques, ces postes étaient dans l'ensemble assez précaires, et j'ai pu me rendre compte de très près, combien ces structures de l'industrie musicale pouvaient être des chiens avec leurs collaborateurs. Pour les labels indé c'était plus simple, les gars étaient en place, et souvent s'occupaient de tout (et j'ai bien connu ça). Quelques gros labels indé (genre Too Pure, Sub Pop, K records, Thrill Jockey...) fonctionnaient sur le même principe que les maisons de disques, et donc il y avait du turn-over. C'est ainsi que peu à peu, je fis de nombreuses connaissances, pas tant virtuelles que ça. En effet c'était avant l'Internet à tout vent, et donc les choses se faisaient souvent par téléphone. Je me souviens d'avoir construit des relations parfois amicales avec certains d'entre eux, je pense à Eric de Tripsichord, à Arnaud chez Delabel, à Alex chez V2, à Laurent chez Ici d'ailleurs, et bien sur à Stéph d'Orgasm records (mais là c'est une plus longue histoire).

Au menu de notre fanzine, des interviews, des articles, des chroniques, des news. Manu et moi écrivions de notre côté et puis nous élaborions le contenu en fonction de nos envies respectives et de l'actualité du moment. A la clef, @game proposait un sommaire éclectique, varié (musiques électroniques, expérimentales, hip-hop, indé, Post-Rock...), dans des styles d'écriture différents. Manu et moi même nous nous complétions. Nous n'avions pas toujours les mêmes intérêts, même si nous avions pas mal d'affinités en commun et nous n'avions pas tout à fait la même façon d'aborder les sujets. C'est je pense ce qui en faisait sa richesse et son originalité. Les services promo faisaient feu de tout bois et nous sollicitaient régulièrement pour effectuer des interviews, et du coup induire quelque peu notre sommaire. C'est là que je me suis rendu compte de leur force et leur calcul un peu pernicieux. Le danger était de ne pas tomber dans le publi-reportage. Certains service de presse étaient insistants. Néanmoins j'ai le souvenir de quelques beaux moments, notamment les interviews de Mark Nelson de Labradford et de David Berman de Silver Jews.

Il fallait voir le tableau. Je devais téléphoner à une certaine heure, et là on me filait l'artiste, qui se prêtait à une séquence de promo forcenée, avec l'enchainement des entretiens avec des médias différents. Moi de mon côté je mettais le hautparleur du téléphone à fond et j'enregistrais l'interview sur cassette. J'avais au préalable installé ma chaine avec un micro. Quel bricolage. Je faisais appel à un copain pour s'entretenir avec le musicien. Mon niveau d'anglais étant minable, cela était plus convenable. Mon copain (Olivier) me faisait ça bénévolement, et il posait toutes les questions que j'avais préalablement préparé. Parfois ce n'était pas évident notamment dans l'interaction (pour rebondir sur des trucs). Mais au final on se débrouillait. J'avais eu une première expérience, avant de faire appel à mon pote, avec une femme américaine, qui habitait dans mon coin, qui n'avait pas saisi notre côté "amateur" et qui après l'entretien (je crois que c'était avec l'obscur Johnny L, un mec qui faisait de la Drum'n'bass) m'avait demandé des fortunes...

Les mecs de ces services de presse hallucinaient souvent sur ma situation. Un pauvre gars totalement perdu dans le trou du cul de la France, qui faisait un fanzine un peu pointu, les surprenaient grandement. A l'époque il n'y avait pas encore le musée Soulages (ah ah), et Rodez paraissaient une ville bien lointaine, avec son lot de bouseux et de ploucs... Tous ces gars étaient souvent sur Paris, et il faut bien le dire, pour eux en dehors de la capitale, il n'y avait pas grand chose. Il me fallait du coup déployer une énergie et un enthousiasme sans limite, pour paraître crédible.


Malgré tout, au fil des années, nous réussîmes à construire un réseau auprès d'activistes dans la musique (labels, maison de disque, chargé de promo, artistes)...

J'ai commencé peu à peu à comprendre et discerner les connivences entre la presse et les différents acteurs de la filière.

Les enjeux étaient pour nous assez limités, bien entendu. Notre fanzine n'avait pas la même visibilité que des magazines de kiosque, et le même "taux de pénétration". Du coup la pression était moindre. Mais néanmoins nous avions bien sentis que pour recevoir des disques il fallait tout de même tenir la route, et donc être lu (après tout assez logique). Au bout de quelques numéros, nous proposâmes notre 4ème de couv comme espace publicitaire. Nous avions eu cette idée pour financer un peu l'impression du fanzine, qui commençait à représenter un certain coût. Et là nous avons commencer à jouer avec le feu et mesurer pleinement ce que veut dire l'indépendance...

Prendre de la pub, pourquoi pas, mais les maisons de disque ont commencé à demander davantage d'informations sur notre publication, des chiffres. Je me souviens d'avoir argumenter sévère auprès de Labels (qui n'existe plus), pour que Mute (label distribué par leur soin) prennent un espace. Il s'agissait d'un pauvre quart de page, et je ne me souviens plus du tarif que nous avions proposé. Peut être 200 Frs, pour deux ou trois numéros. Mais quelle débauche d'énergie cela avait dû me demander. Je crois que j'avais vu ça directement avec Emmanuel P de chez Labels... Il fallait rendre un peu plus de compte. J'avais sollicité Gasoline records un disquaire de Toulouse, le gars était sympa et son fond correspondait pleinement à notre fanzine, il le distribuait d'ailleurs. Lui avait été moins regardant bien sur... Manu avait vendu je crois un espace à un disquaire sur Tours. On proposait également des cadeaux contre des abonnements. Et la aussi il fallait se justifier.

Parfois les chargés de promotion tentaient de placer un de leurs poulains en pôle position. J'eus gentiment à subir quelquefois "pressions", notamment si je souhaitais poursuivre une collaboration "fructueuse"...


Durant cette période nous eûmes l'opportunité d'écrire pour L'Indic, un magazine de kiosque qui une fois n'est pas coutume était édité en province, à Nancy. Je ne sais pas comment ça s'était produit, comment le lien s'était effectué... Le rédac en chef Gérald nous avait contacté pour collaborer à un dossier sur Chicago et sa nébuleuse. On me chargea de faire un papier sur For Carnation, je ne sais plus Manu sur quoi il avait dû plancher (Kranky peut être...?). Il y avait une interview de John McEntire de Tortoise. J'avais aussi pondu deux ou trois chroniques sur des disques de Drum'n'bass, des compiles de chez Media7. Je n'étais pas à l'aise avec la formule. Outre sans doute mes lourdeurs de style, il fallait en plus que je respecte un nombre de signes précis, chose qui ne m'était pas aisée. Cette collaboration ne dura pas, puisque ce fût le dernier numéro du magazine. J'ose espérer que je ne fus pas à l'origine de leur cessation d'activité...


En 1999, je passais de l'autre côté du miroir... En effet je structurais mon propre label (un bien grand mot) : arbouse recordings...

La suite au prochain épisode...

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2 comentarios


ls2d
04 oct 2021

Très beau texte ! on précisera juste un nom un peu oublié aujourd'hui en matière de Rock Critic, le trop vite disparu de la circulation Jean-Bernard André des Inrocks période début de l'hebdomadaire (1995-2000).

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kocat
05 oct 2021
Contestando a

Merci beaucoup pour votre commentaire. et heureux que cela vous plaise. Jean Bernard André, en effet je ne le connaissais pas personnellement. Manu mon ami davantage, d'ailleurs je crois qu'il était de Tours... J'ai eu lu des papiers de lui dans Octopus également. Des "rock-critics", il y en a pleins effectivement que je n'ai pas cité... La suite au prochain épisode...

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