
Il faut toujours laisser faire le hasard, guider nos pas, sans vouloir contrôler les choses. J’ai d’abord découvert Positive Noise avec le second album, dans un lot de Radio France Toulouse, chopé chez un disquaire d'Albi qui pliait. Puis bien après, le 1er est arrivé à moi, dans une solderie, sans crier gare. Un ordre d’écoute, qui du coup m’a permis de découvrir le projet, sans doute différemment que si je l'avais appréhendé chronologiquement...
Positive Noise est un groupe de Post-Punk et New Wave originaire de Glasgow, formé en 1979. Le groupe s’inscrit dans la lignée des formations influencées par la vague punk de la fin des années 1970 et les explorations sonores synthétiques qui ont marqué les débuts des années 1980. Leur "carrière", bien que relativement courte, a laissé une empreinte "notable" dans la scène New Wave britannique.
Le groupe se compose initialement des trois frères Ross Middleton (chant), Fraser Middleton (basse), Graham Middleton (claviers) et de Russell Blackstock (guitare), et Les Gaff (batterie). Ils se font rapidement remarquer sur la scène locale grâce à une approche mélodique de la musique Post-Punk, combinant des influences synthétiques et une énergie brute propre à l'esprit Punk.
Le groupe signe chez Statik Records, label fondé par Laurie Dunn où l’on retrouvera entre autres The Sound, The Chameleons, Flesh For Lulu, The Flying Lizards ou Jeffrey Lee Pierce en solo. C’est sur la compilation "Second City Statik - A Glasgow Compilation" qu’ils font leurs premières apparitions discographiques, avec deux titres ("Refugees" et "The long march"), avec deux autres groupes écossais Restricted Code et The Alleged. On est en 1980.
En 1981 ils publient leur premier single en 1981, "Give Me Passion", qui annonce un style mêlant rythmes dansants et atmosphères sombres.
Dans la foulée, la même année leur premier album, "Heart of Darkness", sort. Ce disque est une œuvre typique de l’ère Post-Punk. Il est marqué par une production minimaliste et un accent mis sur des lignes de basse rythmiques, des percussions nerveuses, et des synthétiseurs qui créent des ambiances froides et captivantes. Parmi les morceaux phares, on retrouve le 1er single "Give Me Passion", véritable hymne New Wave, avec un tempo rapide avec des riffs tendus, contrastant avec un chant monotone et froid. "Charm", une piste hypnotique où les claviers prennent le dessus, créant une ambiance glaciale qui évoque des influences de groupes comme Joy Division et Ultravox et "Positive Negative", un titre plus expérimental qui montre leur goût pour l'exploration sonore.
Sur ce disque le bassiste et le batteur Fraser Middleton et Les Gaff construisent respectivement des rythmes qui donnent une impression de tension constante. La ligne de basse est souvent syncopée et répétitive, créant un effet hypnotique et une colonne vertébrale solide pour les morceaux. Graham Middleton aux claviers adopte une approche atmosphérique. Les synthétiseurs analogiques, parfois arides et stridents, viennent contrebalancer la froideur mécanique par des nappes mélodiques étranges, parfois dissonantes. Enfin Russell Blackstock utilise la guitare de manière texturale, avec des accords clairs, peu saturés, qui évoquent parfois des paysages urbains mélancoliques. Les morceaux sont souvent construits autour de boucles rythmiques. Les refrains sont rarement exubérants, ce qui renforce l’idée d’un style introspectif. Les paroles reflètent une certaine anxiété existentielle, propre à la période post-punk.
L’atmosphère générale du disque est sombre, introspective, presque claustrophobe. Cette esthétique rappelle les débuts de The Cure ou de Siouxsie and the Banshees, mais avec une signature sonore plus électronique. "Heart of Darkness" est une œuvre homogène et viscérale, où l’audace des expérimentations sonores supplante les ambitions commerciales. L'album capte l'esprit d'une époque marquée par le désenchantement et une quête identitaire dans la musique.
Malgré son énergie et ses qualités artistiques, "Heart of Darkness" reste dans l’ombre des grands succès commerciaux de l’époque.
En 1982, Positive Noise sort "Change of Heart", qui marque un tournant vers une sonorité plus accessible et Pop. C’est aussi le moment où Ross Middleton quitte le groupe pour aller fonder de son côté Leisure Process, en compagnie de Gary Barnacle. Cet album bénéficie d'une production plus léchée et introduit des mélodies plus lumineuses, sans abandonner totalement les racines Post-Punk du groupe.
Les morceaux comme "A Million Miles Away" et "Change of Heart" montrent une évolution notable dans leur écriture, avec des refrains accrocheurs et une instrumentation plus sophistiquée. Cependant, ce changement de direction déçoit une partie des fans de la première heure, qui regrettent le son plus cru du premier album.
L'album reçoit un accueil mitigé : si certains apprécient l’évolution vers des sonorités plus mainstream, plus Synth-Pop, d'autres y voient une perte de l'identité initiale du groupe.
Les claviers prennent le devant, comparé au premier album. Les synthétiseurs gagnent en importance, offrant des mélodies plus riches et plus engageantes. Les nappes sonores sont plus lumineuses, parfois même éthérées. Les lignes de basse et les percussions deviennent plus fonctionnelles et moins complexes, adoptant des grooves dansants qui s’inscrivent dans l’héritage de la Synth-Pop justement. Russell Blackstock réduit la présence abrasive de sa guitare au profit d’accords plus chaleureux, voire scintillants, donnant un ton plus léger à l’ensemble.
Les morceaux adoptent des formats pop plus classiques, avec des refrains plus marqués et des mélodies plus accrocheuses. "A Million Miles Away" joue sur une alternance entre couplets introspectifs et un refrain expansif, presque euphorique. "Change of Heart" offre une dynamique ascendante qui culmine dans un final cathartique.
Les paroles, bien que toujours introspectives, se concentrent davantage sur des thèmes de transformation et d’optimisme. On ressent une tentative d’échapper à l'obscurité omniprésente dans "Heart of Darkness". L’atmosphère générale, bien que moins brute, conserve une certaine sophistication dans la production.
"Change of Heart" reflète une volonté de rendre leur musique plus accessible, ce qui se traduit par des morceaux au potentiel radiophonique accru. Ce virage, bien qu’artistiquement valide, dilue quelque peu la profondeur émotionnelle et l'intensité sonore qui caractérisaient leur premier album.
Au final Positive Noise illustre bien la tension entre innovation et désir de succès commercial qui a marqué de nombreux groupes de la scène New Wave. "Heart of Darkness" se distingue par son approche audacieuse et son atmosphère unique, tandis que "Change of Heart" montre une volonté de s’ouvrir à un public plus large, parfois au détriment de la singularité.
Malgré un succès limité, Positive Noise a su capturer l’essence de son époque. Leur musique reste un témoignage fascinant de la créativité qui animait la scène musicale britannique au début des années 1980. Aujourd’hui, leurs albums, bien que méconnus, sont appréciés des amateurs de New Wave et de Post-Punk, qui y trouvent une fraîcheur intemporelle.
L’évolution entre ces deux albums montre un groupe en quête d’identité. Là où "Heart of Darkness" privilégie l’expérimentation et la densité émotionnelle, "Change of Heart" recherche une universalité sonore, s’ouvrant à un public plus large.
Musicalement, Positive Noise brille dans les moments où ils équilibrent l’énergie Post-Punk avec les textures synthétiques, comme dans "Give Me Passion" ou "A Million Miles Away". Leur influence réside dans leur capacité à capturer la transition des années 1970 aux années 1980, à une époque où l’électronique et le rock se mélangeaient pour donner naissance à des formes nouvelles.
Les covers ont été réalisées par deux graphistes distincts. Le 1er album par A.S, qui a conçu également celle pour The Human League et leur fameux "Dare!". Le second "Change of heart" par John Gordon qui à la fin des années 70, début 80 a été assez actif au sein d'un studio dénommé Duotone (pochette pour The Boys, Marianne Faithfull, Jim Capaldi, Toyah...).
Un troisième album "Distant Fires" est sorti en 1985, toujours chez Statik. Je n'ai pas eu l'occasion de l'écouter.


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