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Au commencement

J'écrivais il y a quelques années lors de la sortie du projet "Erik Satie et les nouveaux jeunes" version 2 :

"Erik Satie a "meublé" mon enfance (pour faire écho à sa "musique d'ameublement").

Je peux aisément dire qu'il a bercé mes tendres années, au même titre que Léo Ferré ou les Pink Floyd, pour faire un peu large.

Je me souviens de cette cassette au boitier rouge, avec un portrait au trait du compositeur, peut-être un de ceux de Cocteau.

Je ne sais plus précisément. Ce devait être vers mes 7, 8 ans, que j'ai découvert Erik Satie, et écouté pour la première fois, Mon père n'y est pas pour rien. Et que dire, si ce n'est que la succession de ses gymnopédies et autres gnossiennes m'a totalement bouleversé, en profondeur. Cette musique ultime s'est inscrite dans ma mémoire sensorielle, pour ne plus s'en échapper... Je me souviens encore de ce temps où cette cassette se déroulait aux rythmes des silences et des mélodies lentes du compositeur, et où mes pieds se chauffaient aux rayons du soleil, sur les carreaux de terre cuite, de la maison de mon enfance. Satie le primitif et sa musique qui résonne en moi, comme pour mieux faire ressurgir ma période primitive à moi. Une période bénie dit-on..."



Cette période bénie, c'était les années fin 70, celle de mon enfance, celle du Punk... Trop jeune pour avoir pu être un acteur (ou spectateur) de ce mouvement, je me nourrissais de ce que mes parents me proposaient pour l'essentiel. Il n'existait pas encore la bande FM. A la maison les disques de Léo Ferré tournait régulièrement, comme dit plus haut. Mes parents achetaient ses albums. J'étais à la fois envouté par les compositions et la voix du poète, mais je dois bien l'avouer, j'éprouvais souvent des difficultés à saisir totalement sa plume... J'écoutais ça attentivement, sans vraiment bien tout comprendre... Ce personnage m'intriguait : ce monsieur hirsute, aux cheveux blancs qui chantait comme s'il lisait, souvent avec des instrumentations grandioses... Nous avions une platine vinyl Lenco avec un ampli Continental Edison. Une platine au coffrage en bois et un ampli qui éclairait en bleu... C'était un temps où la musique n'était écoutée que de cette manière d'ailleurs.

Il y avait bien quelques autres artistes qui se faisaient entendre dans le salon. Ainsi pour les périodes de Noël j'écoutais inlassablement Graeme Allwright et sa fameuse chanson "Petit Garçon" très à propos... Avec lui, je chantais à tue-tête "Jolie bouteille, sacré bouteille", et je découvrais pour la première fois des chansons de Leonard Cohen "The partisan" ou "L'étranger". Graeme Allwright chanteur francophone d'origine néo-zélandaise a bien sur participé à faire connaitre le poète canadien en France. Il y avait aussi Serge Reggiani et cette compilation où il interprétait des morceaux de Boris Vian (la Java des bombes atomiques), un disque de 1968, où l'on voit Reggiani en noir et blanc, en double, levant le bras au ciel avec un micro. Je me délectais des chansons comme " La maumariée (La mal aimée)" d’Anne Sylvestre, ou "L'homme fossile" de Pierre Tisserand, que je trouvais rigolote et agitée ou "Madame Nostalgie" de Moustaki... Les interprétations de Reggiani étaient magistrales... Je l'écoutais en boucle, tout comme ce 45t qui accompagnait l'album, avec deux titres éblouissants, où le chanteur revisitait un texte de Verlaine "Gaspard" absolument mélancolique et surtout "La Balade des pendus" de François Villon, que je trouvais effrayante mais fascinante...

Mon père m'avait bien fait écouté la version de Ferré, mais j'étais plus inspiré par celle de Reggiani, que je trouvais peut être plus accessible... Voilà les disques de mon enfance lointaine, dont je me souviens clairement. Il y eu aussi les deux premiers albums de Jean Michel Jarre "Oxygène" et "Equinoxe". Deux disques que l'on voyait dans toutes les chaumières. Les visuels des pochettes me fascinaient, en premier lieu... Puis cette musique électronique instrumentale m'interpellait à plus d'un titre. Je trouvais qu'il y avait du lien avec les Floyd (que je découvrirai un peu plus tard). Une musique froide et pourtant organique... Etrange sensation... Il y avait aussi les disques de Vangelis que mes parents écoutaient, notamment "L'Apocalypse des animaux" de 73 ou "La fête sauvage" de 76... Là aussi de drôles d'impressions me traversaient à l'écoute de ces disques... A la fois subjugué par les différents climats des compositions, et relativement déboussolé par ses longues plages d'ambiances aux constructions non conventionnelles. Enfin je me souviens (mais qui de ma génération ne se souvient pas de ça) du disque de Neil Diamond "Jonathan Livingston Seagull" (bien plus tard j'apprendrais que c’est aussi l'auteur de "Solitary man", repris par Johnny Cash)... Un film marquant de mon enfance, ode métaphorique à la liberté : "en chacun de nous sommeille un Jonathan"...

Il y avait bien sur un peu de variété qui venait à moi... C'était l'époque du 45t à deux titres, les 4 titres ne se faisaient plus à mon époque. C'était le temps d'une variété qui ne m'a guère marqué... Les adolescentes qui vivaient dans mon entourage immédiat (nous avions un logement de fonction dans un établissement qui accueillait des adolescentes en difficulté), écoutaient cette variété. En boucle... je me souviens d'un lieu (le foyer) où il y avait un électrophone avec des centaines de 45t (de Dalida, en passant par Vartan, Herbert Léonard en passant à François Valéry, d’Hervé Vilard en passant par Mike Brandt...). J'ai bien entendu des titres, mais ils ne m'ont jamais emballé... Il y a bien eu Sardou (quand j'y pense) avec son titre "Petit", qui me plaisait... Nous écoutions avec ma mère une cassette de lui en voiture ("En chantant" à tue-tête)... Ce type me parlait, mais cela ne dura heureusement pas...

La cassette fût une révolution pour moi, de praticité. Les vinyls c'était compliqué, trop soigné, et puis nous n'avions qu'une platine de salon. J'avais bien eu un petit électrophone pour écouter des 45t de Walt Disney. Mais il n'avait pas résisté à mes petites mains. Quand la cassette est arrivée, j'ai eu droit à un petit magnétophone noir, portatif (avec des piles), et là j'étais autonome... C'est à ce moment-là que ma mère m'a acheté des cassettes des Beatles (les compilations rouge et bleue), et quelques albums des Pink Floyd (More, Wish you were here, A Saucerful of secrets)... Et tout à coup des perspectives phénoménales se sont ouvertes à moi. J'étais à la fois totalement effrayé par ces sons et ces ambiances, le "A Saucerful" des Floyd était incroyable pour ça, et en même temps ces titres me faisaient voyager... Ma mère m'avait également acheté des compilations des Beatles, où je découvrais de nouveaux titres, dont "Hey Bulldog" qui me rendaient dingue. Je mettais ça à fond, en sautant sur mon lit... Jouant de la guitare déjà plein tube (le début de l'air guitar, et cela ne me quittera plus).

Quelques temps plus tard, mes parents m'achetèrent un magnétophone plus perfectionné entre 8 et 10 ans peut-être. Ils me donnèrent un petit ampli avec deux petites enceintes rondes Telefunken (avec le pied aimanté). Tout à coup le son offrait des perspectives bien plus larges... Je distinguais bien plus de détails, je découvrais véritablement la stéréo et j'appréciais pleinement les divers effets. Je redécouvrais les Pink Floyd et toute leur créativité. Et en même temps je me délectais de la puissance et de l'énergie du rock'n'roll, et des morceaux crachés par mes enceintes... Quel pur bonheur... les Beatles bien-sûr, puis un disque des Rolling Stones "Tatoo You" que ma mère m'offrit peu de temps après ce nouvel équipement... Pour le coup ça claquait grave... Leur "Start me up" me faisait bondir... Je ne connaissais rien de ce groupe et pendant longtemps j'ai cru qu'ils n'avaient réalisé que cet album... Cette tête tatouée m'interrogeait, et leur son m'invitait à bouger mon corps, obligatoirement, avec frénésie. Et quel bonheur, de me laisser tomber dans les bras de Morphée avec le titre "Heaven"... C'est d'ailleurs à partir de là où j'ai commencé à mettre de la musique le soir en m'endormant, et du coup j'écoutais seulement la première face, laissant l'appareil en marche. Mon père devait venir l'éteindre... Cela dura longtemps...

Ma petite collection de cassette commença à s'étoffer peu à peu... J'avais en cadeau régulièrement des albums. Je me souviens dans un tout autre registre du disque de Mozart (39ème symphonie et 40ème par Josef Krips), là aussi une madeleine de Proust irrésistible... Je ne connaissais que ça de la musique classique, mais je le connaissais bien. De Mozart à Satie... Le grand écart...

J'eus bien sur quelques influences venues de l'école, mais assez peu au final. Un disque de Julos Beaucarne, surtout "Chandeleur septante-cinq" avec des titres comme "Lettre à Kissinger" ou "Vois des fruits des fruits les fleurs". Il y a eu aussi Dire Straits et leur premier album de 78... Un album lié aux jeux de l'école et à nos récréations infinies, à jouer au ballon prisonnier sur "Sultans of swing" (notre maitre mettait le disque et sortait les enceintes dans la cour), c'était drôlement excitant...

Un peu plus tard vers 10 ans, j'ai commencé à faire mes premières propres requêtes en termes d'albums. Je passais un cap. C'est à ce moment-là, que j'ai demandé trois disques. Deux cassettes d'AC/DC "Back in black" et le fameux “Hells Bells » et "If you want blood you've got it" et une des Stray Cats, leur premier album. J'entendais parler de ces groupes autour de moi, j'avais pas mal de retour de garçons plus grand, qui arborait des vestes en jean à l'effigie de ces groupes. Ça sentait le souffre, l'adolescence (à venir), la révolte, la provocation. J'entendais parler d'AC/DC comme étant un groupe à la réputation rock'n'roll diabolique, avec des textes obscènes et des attitudes de dingues, et cela m'intriguait. Les Stray Cats c'était plus soft... Les mecs, fans d'eux, avaient des coiffures incroyables et surtout des chaussures que je trouvais superbes, les fameuses Creepers... ça sentait le rock'n'roll de la première heure, avec un brin d'agitation et de désinvolture, quelle élégance à mes yeux : des bananes, des tatouages, une voix de Setzer, une contrebasse : "Runaway Boys"...

Ces disques n'ont plus quitté mon magnéto pendant de longs mois, de longues années...

Aux origines de ma passion de la musique, comment l'on passe peu à peu de la prescription à ses premiers choix (pas toujours totalement personnel). C'est l'histoire d'une transmission. L’histoire anodine du commencement des choses…


En 1978... Premier magnéto...


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