En réalisant cette rubrique, et en constituant un petit répertoire "orienté" de labels qui ont eu une influence sur moi, une idée, peu à peu a pris forme. Dès lors, voici la dernière contribution visible ici même sur un label, considéré comme essentiel par quelques connaisseurs et pour les autres totalement méconnu. Je ne m’étendrais donc pas beaucoup, préfigurant ainsi un exercice sur lequel je m’apprête à travailler.
La première fois que je croise le chemin de Soul Static Sound, ça doit être dans Octopus, le n°3 ou 4, plus particulièrement. Vous savez ce fameux fanzine (magazine) que j’ai régulièrement évoqué ici ou là. Ce devait être dans les chroniques de disques, celles rapidement traitées, dans des brèves. Il me semble, de mémoire qu’il s’agissait de quelques lignes consacrées à Directions (le projet de Bundy K. Brown ex Bastro, Tortoise et consorts) et le Ep "Echoes" sorti initialement chez Soul Static Sound en 1997 et réédité depuis chez Temporary Residence Limited en 2021. A l’époque, je voulais tout avoir de ce qui provenait de la galaxie Chicago. Absolument tout. La difficulté c’est que ce n’était pas évident de se procurer les skeuds en question. Soul Static Sound bien entendu, n’était pas distribué en France. Le net grand public était balbutiant, toutes les structures n’avaient pas encore "pignon sur web". C’est chez Ajax records (disquaire, label et merveilleux mail-order de Chicago, dont j’ai déjà parlé), que je réussis à me procurer ma première production de ce label. Il s’agissait d’un 7’ de Tortoise, sorti en 96. D’autres acquisitions viendront… Le 7’ de UI "Match by foot", 11ème référence du label notamment. Pour le dernier numéro de notre fanzine à Manu et moi, @game, en 2000, je réalisais une interview de Darryl Moore, le fondateur et animateur du label. J’avais réussi à trouver ses coordonnées électroniques, je crois que c’est Robert Lippok qui me les avait donnés. Entre temps j’avais trouvé chez un soldeur, par hasard, un skeud de Ganger, remixé par Two Lone Swordsmen. Je m’étais procuré le Ep de To Rococo Rot + D et celui de Tikiman & Tarwater chez Forced Exposure aux States, Ajax ayant mis la clef sous la porte. Ma collection s’agrandissait. J’appréciais particulièrement l’esthétique du label, graphiquement en premier lieu (le travail de Bob Wilkinson et Ian Wright), puis le catalogue me correspondait pleinement. Darryl Moore proposait des références singulières qui lorgnaient vers des scènes, qui à cette période, me fascinaient (Chicago, Berlin…). Historiquement, Soul Static Sound a dû voir le jour vers 1994. Darryl Moore qui gravitait à Londres dans le milieu underground, tissa rapidement un réseau de connaissances, qui feront les beaux jours de sa structure. A la fois, musicien (on le croise sur un Ep de Cindytalk "Wappinschaw" en 94) et activiste, les débuts du label seront d’abord orienté vers le Punk et des projets assez Noise comme God is my Co-Pilot, Skinned Teen, Comet Gain… La plupart du temps, il s’agit de formats courts (7’ ou 12’), mais quelque fois c’est carrément un album que Moore décide d’éditer. Très vite, ce dernier s’orientera vers la scène Post-Rock chicagoanne (Tortoise, Directions, Designer alias Casey Rice, UI…), puis Berlinoise (To Rococo Rot, Tarwater, Mapstation…). Il sortira même un split de Sparkalepsy (projet de Jason Loewenstein de Sebadoh) et Unconvinced. Quand en 2000, Darryl Moore répond à mes questions, de manière assez prolixe, on ne se doute pas que le label terminera d’ici peu ses aventures sonores. D’ailleurs c’est à cette occasion qu'il m’explique alors ses choix éditoriaux, ses inspirations (de plus en plus attiré par l’expérimentation et les travaux des musiciens de l’IRCAM et l’INA GRM), et ses projets. Il m’évoque, un Ep de Four Tet, qui ne verra jamais le jour, son propre travail sous le nom de D (croisé avec To Rococo Rot, Fridge…), ses remixs (un de Discipline entre autres, le projet de Joseph Ghosn sur Paperplane, petit label français éphémère). Rien ne laisse supposer qu’il arrêtera toutes activités peu de temps après. Darryl Moore va disparaître de la circulation, laissant derrière lui une poignée de disques passionnants. Si je pense à son travail, et si j’écoute encore régulièrement ce qu’il a édité, c’est que Soul Static Sound reste un exemple, en premier lieu d’indépendance et surtout de créativité. Certes Darryl Moore et son label n’auront pas marqué l’histoire de la musique, au sens où le commun des mortels l’entend. Mais pour moi, Soul Static Sound (avec Orgasm), quand je mettais sur pied mon propre label en place, était indubitablement une source d’inspiration. Un label comme un espace finalement, en forme d’exutoire, pour mieux vivre le quotidien. Parce que c’est de ça qu’il s’agit, faire des choses, monter des projets, forcer des portes, collaborer avec des artistes, proposer des alternatives au tout venant et prendre plaisir, sans trop savoir pourquoi. Merci Darryl.
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