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J'aurai voulu ĂȘtre rock-critic... (Episode 2)

  • kocat
  • 27 dĂ©c. 2021
  • 19 min de lecture

DerniĂšre mise Ă  jour : 31 janv. 2022

"Je n'ai ni le talent, ni le style mais j'ai le cƓur" - CEC

"C'est pas facile d'avoir du style" - Annie Cordy, tiré de "La bonne du curé"

"Le critique insulte l'auteur : on appelle cela de la critique. L'auteur insulte le critique : on appelle cela de l'insulte" - Montherlant


Reprendre la suite du papier "J’aurai voulu ĂȘtre rock-critic" m’a paru dans un premier temps fastidieux. J’avais une flemme incommensurable. Comme souvent d’ailleurs. Cette flemme qui au final, vous empĂȘche d’ĂȘtre productif, de mettre en Ɠuvre vos idĂ©es que vous mĂ»rissez lentement. Je fonctionne depuis longtemps ainsi, je remplis des carnets de notes, de projets, de spĂ©culations diverses, de calculs. Je fais des listes consĂ©quentes de trucs Ă  faire, Ă  ne pas faire. Mais il faut bien avouer que je n’arrive pas rĂ©aliser la plupart de ces initiatives. Quelque fois, par fulgurance, j’arrive Ă  me mobiliser et une de mes rĂ©solutions arrive concrĂštement Ă  voir le jour. Mais c’est rare. C’est ainsi, c’est mon fonctionnement, je suis victime de mon inefficacitĂ© redondante et redoutable. Je suis comme beaucoup de gens, victime de la procrastination, tendance parait-il trĂšs actuelle.


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Ici il s’agit de donner une suite au premier article, mais pour raconter quoi, pour dire quoi ? Rien qui ne vaille, longtemps je me suis dit. Jusqu’au jour oĂč l’envie est venue. Il s’agissait tout simplement de partir d’oĂč je mettais arrĂȘter et reprendre le fil. En 1999 je m’attachais Ă  dĂ©velopper mon propre label, Arbouse recordings. PremiĂšre sortie, le disque d’un parfait inconnu : "Musique rouge" d’Eglantine. Je restais dans le thĂšme arboricole, ça me semblait cohĂ©rent (ah ah
). Je n’avais aucune trĂ©sorerie, aucun moyen, juste un peu de fric perso. Je faisais faire la cover Ă  un ami (Yann alias Sink), et le reste c’était du bricolage. Un tirage CDR, sur mon PC (armĂ© d’un graveur intĂ©grĂ©), le logiciel Nero, des CDR vierges argentĂ©s, des sorties numĂ©riques couleurs, des boĂźtiers cristal CD, et me voilĂ  prĂȘt pour inonder la planĂšte de la musique de Glandu (surnom donnĂ© Ă  Eglantine), une musique Ă©lectronique abrasive, iconoclaste et dissonante. Une Ă©lectronique LoFi, un peu perchĂ©e et dĂ©capante. Dans la bio que j’avais rĂ©alisĂ©, j’annonçais la couleur : un truc entre Third Eye Foundation et Autechre
 Tout un programme
 Je peaufinais ma prĂ©sentation, en dĂ©corant la bio d’élĂ©ments scannĂ©s (une vraie feuille d’églantier, un vrai gratte-cul aussi), et voilĂ , j’étais fin prĂȘt
 Pour l’occasion, je gravais quelques CDR promos, et je m’attelais Ă  leurs expĂ©ditions. J’avais au prĂ©alable Ă©tabli une petite liste de personnes du milieu de la presse musicale : fanzines, magazines, webzines
 Ces derniers commençaient Ă  voir le jour. Je connaissais quelques gars, de par mes activitĂ©s de fanzinat (avec @game dont j’ai parlĂ© dans la premiĂšre partie). Je n’avais Ă©videmment aucune distribution. Je savais simplement qu’il me fallait promouvoir un peu le disque sinon je n’avais aucune chance d’en vendre quelques exemplaires, Ă  part Ă  la famille et aux amis (et encore l’expĂ©rience m’a montrĂ© que ces derniers vous soutiennent rarement). Je n’avais pas un carnet d’adresses et de contacts trĂšs achalandĂ©. La tĂąche s’annonçait ardue. Et ce fĂ»t bien le cas. J’eus peu de retour. Mais tout de mĂȘme suffisamment pour avoir le sentiment de ne pas avoir fait tout ça pour rien. Bien sĂ»r, cela ne changea rien quant aux ventes du disque. Mais je rĂ©ussis tant bien que mal Ă  liquider le stock que j’avais rĂ©alisĂ© (notamment lors des lives et autres conventions auxquelles je participais). Je me souviens de quelques lignes consacrĂ©es Ă  l’album dans Octopus, Magic ! aussi. Des lignes mi-figue mi-raisin, ni trop enthousiastes, ni trop nĂ©gatives. Un disque qualifiĂ© en gros de brouillon, et c’était bien le cas (moi je disais LoFi). Popnews, un webzine naissant Ă©tait plus catĂ©gorique, et plus positif : « "Musique Rouge" donc, pour une musique passionnĂ©e Ă  dĂ©couvrir absolument sous peine de passer Ă  cĂŽtĂ© d’un des grands disques de l’annĂ©e." » CarrĂ©ment ! C’était le dĂ©but de l’aventure, un peu poussif certes, et le dĂ©but de mon travail de promotion pour le label. Un travail qui m’est apparu assez rapidement pĂ©nible, frustrant, contrariant aussi. Je compris trĂšs vite, que la promotion nĂ©cessitait des moyens consĂ©quents et beaucoup de patience. Il fallait un rĂ©seau Ă  jour, une bonne endurance, une rĂ©activitĂ© Ă  toute Ă©preuve, et de la conviction pour ouvrir les portes et sĂ©duire le "rock-critic". Bien sĂ»r allez-vous me dire, "si le disque est bon (avec toute la subjectivitĂ© que cela sous-entend), ce n’est dĂ©jĂ  pas si mal". Mais j'ai pu constatĂ© Ă  plusieurs reprises que ce n’était pas forcĂ©ment le cas. La rĂšgle au tout dĂ©but des annĂ©es 2000 c’était que si ton label n’était pas distribuĂ©, il n’était soit pas traitĂ©, soit mis dans la rubrique "activitĂ©s souterraines" avec quelques lignes jetĂ©es, reprenant de prĂšs ou de loin des bouts de la bio.

"Musique rouge" n’échappa pas Ă  cette loi. Mais le bilan Ă©tait tout de mĂȘme assez flatteur. Peu de disques promos envoyĂ©s (car possĂ©dant un listing balbutiant), un artiste venu de nulle part (Rodez, personne ne connaissait), une musique de fou, lui confĂ©rant un cĂŽtĂ© hermĂ©tique, un label inconnu avec un nom de bouseux (un rock-critic parisien un jour m’a dit "Arbouse ? Art bouse tu veux dire ?") et au final quelques lignes par-ci par-lĂ  (je pense au papier de Julien JaffrĂ© notamment, trĂšs bon critique et auteur de plusieurs fanzines et chroniqueur pour la revue Jade). Fort des quelques ventes effectuĂ©es, je pouvais m’atteler Ă  la prochaine sortie. Elle se fĂźt sans ĂȘtre trop prĂ©mĂ©diter. Je crois que la dĂ©cision fĂ»t prise dans l’Aude, prĂšs de Montoulieu. En effet je crois avoir rĂ©ussi Ă  persuader, lors de ce week-end, StĂ©phane (Orgasm records, et membre d’Acetate Zero) de sortir quelque chose chez moi. Le premier album d’Acetate Zero Ă©tait sorti ("Softcore paradise") et avait Ă©tĂ© remarquĂ©. Il y avait eu un single avant et des titres sur la compile "Prosaical". Je crois qu’ils venaient aussi de sortir un Ep gĂ©nialissime sur Intercontinental records, le label de Fred Paquet. Un Ep intitulĂ© "Diabolus in musica", avec le titre Ă©ponyme et son sample tirĂ© de "L’exorciste". Un morceau de dingue. StĂ©phane avait quelques titres de disponible, dont le fameux "Mill Valley revisited" et ses diffĂ©rents samples (Ride, Mingus
). Le projet vit le jour sous le nom de "Pieces in trouble"(StĂ©phane a toujours Ă©tĂ© trĂšs bon pour trouver les titres). Acetate Zero me dĂ©livra trois morceaux au total. Je proposais Ă  StĂ©phane pour Ă©toffer le disque de demander Ă  des gars de remixer un des trois titres. Il accepta. Je sollicitais du coup quelques noms Ă  l’époque relativement reconnus sur la scĂšne indĂ©. Le groupe anglais Rothko (de chez Lo Recordings, puis Too Pure), le musicien belge Köhn (par ailleurs membre de De Portables), Robert Lippok (membre de To Rococo Rot), D.Infusion (qu’on avait croisĂ© sur Orgasm et sur "Prosaical", et qui sortira un disque sur Serpentine) et enfin Eglantine (pour ce dernier StĂ©phane n’apprĂ©ciait guĂšre le travail, mais m’autorisa Ă  le mettre quand mĂȘme). Pour le reste, mĂȘme mĂ©thode que "Musique rouge", CDR argentĂ©, boitier cristal, pochette rĂ©alisĂ©e par mes soins et Ă©ditĂ© Ă  300 copies. Je voyais plus large, "plus grand". Je savais surtout que le disque pouvait davantage se vendre. Acetate Zero c’était l’ouverture vers "une clique parisienne" assurĂ©e
 C’est ce qui se produisit. Le disque Ă©tait toujours distribuĂ© par mes soins, mais comme par enchantement celui-ci fĂ»t chroniquĂ© dans la rubrique Ep/45T de Magic ! Je crois que c’était Greib qui s’y colla. Je ne connaissais personne Ă  la rĂ©daction de Magic! Autant Eglantine avait atterri, dans la rubrique des dĂ©mos et autres autoproductions. Cette fois-ci c'Ă©tait dans les "pages normales" de la revue. Etienne Greib Ă©tait un copain de StĂ©phane et appartenait Ă  ce microcosme parisien, Ă©voquĂ© plus haut. Les choses ont certainement Ă©tĂ© facilitĂ©e. Je ne m’en suis pas plaint, bien au contraire : au moins une chance d’avoir un bon papier. Je rĂ©coltais bien plus de chroniques cette fois-ci. Dans l’ensemble les remixs leur paraissaient anecdotiques, mais la sortie fĂ»t bien accueillie globalement. Il ne reste plus beaucoup de traces aujourd’hui, mis Ă  part dans mon petit book perso. Ce fĂ»t sans doute pour moi la premiĂšre sortie oĂč je dĂ©ployais autant d’énergie, autant de CD promo envoyĂ©s (enfin Ă  mon Ă©chelle). Ces quelques chroniques traduisaient ce que StĂ©phane appelait Ă  l’époque la mĂ©canique promo dans Popnews lors d’une interview : "Si ensuite, le "Pieces in trouble" et le deuxiĂšme album ont fait parler d’eux, c’est plus la consĂ©quence d’une mĂ©canique promo que l’existence d’une certaine aura. En quoi cela est-il hypocrite ? C’est juste la marche normale et si peu importante des choses". Moi j’aurai dit les deux sans doute : l’aura et la promo, et les relations aussi
 Enfin tout ça restait relativement modeste. Je pouvais dĂ©sormais voir venir ou regarder un peu plus loin. Je dĂ©cidais d’enfoncer le clou avec la parution de la compilation "Bucolique vol.1"(ça va bien avec Art Bouse) et son internationale d’artistes (Rothko, Hood, Billy Mahonie, Chessie, Twisted Science, Köhn, Acetate Zero
). Je finissais par dĂ©crocher une distribution nationale avec Chronowax et c’était l’opportunitĂ© de rentrer dans toutes les fnac de France et de Navarre, les Virgin Megastore et autres surfaces dites "culturelles". Pour le coup le plan promo prit de l’ampleur, mon carnet s’étoffant, je balançais du skeuds plus largement. Je crois que c’est Ă  cette occasion que j’eus ma premiĂšre chronique dans Les Inrocks (le graal
), et sur le trĂšs branchouille webzine parigot Chronicart, mais aussi Coda et bien d’autres. A l’époque une chronique dans les Inrocks, tout le monde voulait ça, en premier lieu les artistes. Paradoxalement ce n’était pas l’assurance de vendre plus de disques. J’ai appris ça par la suite. Par contre ça faisait plaisir au distributeurs, aux artistes, et c’était la satisfaction d’un travail bien fait. Je faisais tout ça de mon trou (petit village sur les bords de l’Aveyron Ă  quelques km de Rodez), avec des moyens ultra limitĂ©s, un internet qui se dĂ©veloppait peu Ă  peu et bien loin de Paris, le centre nĂ©vralgique de la musique, de la musique indĂ© aussi. La presse musicale dĂ©couvrait mon label, et s’étonnait, du genre, "tiens un mec arrive Ă  faire ça ? lĂ -bas ? " Je n’étais Ă©videmment pas le seul, des tas de mecs l’avaient tentĂ©, ou le faisaient encore, mais de Province, et qui plus est de Province perdue (pas Lyon, Nantes ou Bordeaux), y avait moins de monde. Les parisiens trouvaient ça curieux, exotique
 C’est aussi avec "Bucolique vol.1" que j’ai commencĂ© Ă  travailler Ă  l’échelle internationale. Et lĂ  c’était la jungle. Outre des titres de presse connus, y avait tout un tas de trucs dont je n’avais pas connaissance et dont il m’était incapable de mesurer l’influence. C’était le parcours du combattant. En plus cette visibilitĂ© commença Ă  m’attirer des mecs Ă  la pelle, qui me sollicitaient pour que je leur envoie des disques, notamment des radios. Je devenais une boite Ă  cadeaux
 C’était le revers de la mĂ©daille.

J’ai traversĂ© 22 ans d’activitĂ© d’édition phonographique, et j’en ai fait de la promo. Et quel boulot dĂ©gueulasse
 J’ai mĂȘme pensĂ© sous-traitĂ© ce taf Ă  un moment donnĂ© Ă  des boites spĂ©cialisĂ©es, Ă  des agences de promo, mais c’était hors de prix. Les types se gavaient et sans garantie de rĂ©sultats (la promo n’est pas une science exacte, sauf si vous ĂȘtes fortunĂ©s). Je n’avais pas le budget pour ça. Alors je bricolais, jusqu’à aujourd’hui oĂč je n’en fais plus du tout, pour plein de raisons. La presse n’est Ă©videmment plus ce qu’elle Ă©tait (les radios, n’en parlons pas), le label aussi. J’ai aussi Ă©tĂ© gagnĂ© par une certaine lassitude de ce cinĂ©ma. J’en ai connu des vertes et des pas mĂ»res, des conflits, des accrochages, et quelques satisfactions. Je pourrais en Ă©crire des anecdotes, plus ou moins sĂ©rieuses, ou plutĂŽt jamais vraiment sĂ©rieuses, car finalement tout ce manĂšge c’était pour le plaisir. De tout ce long parcours, voici ce que j’ai pu en retenir
 Pas grand-chose
 Quelques certitudes, quelques principes


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J’ai eu le privilĂšge d’avoir quelques chroniques de "rock-critics" Ă©tablis, elles ont toujours Ă©tĂ© bonnes dans l’ensemble, il y a eu celles de Greib (Magic !), de Brunner (pour Trax), de JD Beauvallet (pour les Inrocks), de Joseph Ghosn (Inrocks, rĂ©dacteur en chef aujourd’hui), de Marc Gourdon (Magic !, sans doute une des plus belles plumes qu'il m'est Ă©tĂ© donnĂ© de croiser, et les plus belles chroniques que j’ai pu obtenir), StĂ©phane Deschamps, JĂ©rĂŽme Provençal, Laurent Diouf (Coda), Reijasse pour Rock’n’Folk (lĂ  aussi c’était du copinage), Alexis Bernier et Sophian Fanen pour LibĂ©, Odile de Plas pour Le Monde. Des chroniques, mais jamais vraiment plus. Pas d’interviews, pas d’articles, rien
 Je ne parle mĂȘme pas du label, jamais rien sur les artistes et projets dĂ©fendus. Il n’y a que Magic ! avec quelques coupures pour Acetate Zero (toujours) qui a fait davantage. J’ai eu droit aussi Ă  un article sur ww.lowman et la sortie de son premier album "Plain songs". Mais il faut dire que j’avais achetĂ© un espace publicitaire, et qu’en plus j’avais rĂ©servĂ© une plage sur le cd promo qui accompagnait la revue. J’avais nĂ©gociĂ© ça avec Franck Vergeade, le rĂ©dac en chef de l’époque et le chef de pub
 Ce qui en dit long sur l’indĂ©pendance de la presse
 J'allais oubliĂ© tout de mĂȘme aussi les papiers sur les projets "Musique pour Statues-menhirs" et "Erik Satie et les nouveaux jeunes". J'en Ă©voquerai la teneur un peu plus bas.


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Sampler Magic!

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Article dans Coda par Laurent Diouf

Je me suis toujours interrogĂ© sur le dĂ©sintĂ©rĂȘt global de la presse musicale pour le travail que je pouvais rĂ©aliser. Un des exemples les plus probant de ce phĂ©nomĂšne est TĂ©lĂ©rama. J’en ai envoyĂ© des disques promo, lĂ -bas
 Souvent Ă  l’attention de Gorin (François) ou Tellier (Emmanuel) ou mĂȘme Cassavetti (Hugo) peut ĂȘtre aussi. Je n’ai jamais eu un seul papier. Jamais une seule chronique (avoir les 3 f c’était Ă  l’époque le truc ultime pour les artistes, encore mieux que Les Inrocks), jamais mĂȘme un retour. Que dalle. Rien, silence radio (ce qui les empĂȘche pas de me pourchasser pour m'abonner)....

Une fois Gorin a Ă©voquĂ© briĂšvement Thousand&Bramier sur leur site. Mais c’est tout. Gorin ne devait pas aimer mes sorties (ni les autres), ne les trouvant pas assez signifiantes. Je lui envoyais des mails, mais ils restaient inlassablement lettre morte. Au moins il n'a jamais flinguĂ© les disques que je lui faisais parvenir, ce qui est moins pire que d'avoir eu un mauvais papier. Il y a eu d’autres situations du mĂȘme acabit, je pense Ă  Noise plus rĂ©cemment, oĂč lĂ  aussi j’envoyais systĂ©matiquement des disques et je n’avais aucun retour. Un jour, je ne sais plus pour quel disque, ne voyant toujours aucune prise en compte, je me dĂ©cidais Ă  faire un mail au rĂ©dac en chef, Olivier Drago. Le ton Ă©tait agacĂ© et amer. Je lui demandais au moins de me dire un truc, oui ou merde. J’ai alors eu droit Ă  un message salĂ©, me disant qu’il avait autre chose Ă  foutre, qu’il Ă©tait enseveli de disques, qu’il n’avait pas que ça Ă  faire, de rĂ©pondre Ă  toutes les sollicitions. Il me glissa gentiment que les disques que je pouvais lui envoyer il s’en contrecarrait, et que dĂ©sormais, je pouvais m’asseoir sur un quelconque papier dans leur canard
 J’étais "black listĂ©". Dommage pour ma gueule
 Pendant longtemps je lui en ai voulu, boycottant de mon cĂŽtĂ© la lecture de la revue, et puis je me suis dit que finalement le gars faisait bien ce qu’il voulait, que l’on ne pouvait pas plaire Ă  tout le monde. Je ne sais pas si je lui avais pris de pub s’il aurait changĂ© d’avis
 Cela dura un bon bout de temps, j’essayais de passer par un gars Bertrand Pinsac qui pigeait chez eux, il trouvait les disques chouettes mais dĂšs qu’il disait que c’était des prods d’Arbouse, Drago coupait court, jusqu’au jour oĂč miracle un disque de Marnitude fĂ»t chroniquĂ© par un gars que je ne connaissais pas et qui avait dĂ» recevoir le skeud par un autre intermĂ©diaire (le groupe lui-mĂȘme). C’est le seul papier Ă  ce jour, que j'ai pu obtenir dans ce magazine.


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En 2009, quand je concrĂ©tisais le projet "Musique pour Statues-Menhirs" (disque et soirĂ©e du mĂȘme nom) en collaboration avec le musĂ©e Fenaille de Rodez, nous contactĂąmes la presse pour les sensibiliser. Notre volontĂ© Ă©tait bien sur qu'elle se fasse l'Ă©cho de notre entreprise (sortie du disque et premier Ă©vĂ©nement live de musiciens du disque, avec Fennesz, Mira Calix, David Daniell et Mapstation (Stefan Schneider de To Rococo Rot, Kreidler). Nous avions convenu que se soit le musĂ©e qui contacte directement les journalistes, cela aurait certainement davantage de poids. Le musĂ©e prit de l'espace publicitaire dans des journaux gĂ©nĂ©ralistes et Sophian Fanen pour LibĂ©, Odile De Plas pour Le Monde, et un mec de chez Mouvement (revue culturelle multidisciplinaire) furent invitĂ©s tous frais payĂ©s, Ă  venir Ă  Rodez, au musĂ©e, assister Ă  cette premiĂšre soirĂ©e (il y en a eu 3 autres).

Le musée (plus que le label) et le projet du coup eurent pas mal de visibilité. Mais cette histoire ne fßt que corroborer l'idée que je me faisais de la presse. Ici il s'agissait presque d'un publi-reportage, dont on pouvait douter de la sincérité et de l'objectivité. Je savais bien que tout paraissait plus simple, avec de l'oseille...

A contrario en 2010, quand je sortais le disque "Erik Satie et les nouveaux jeunes" (avec Richter, Broderick, Nils Frahm, Dustin O'Halloran, Pan American et tant d'autres), je mettais aussi sur pied de multiples Ă©vĂ©nements autour du compositeur sur Rodez (expos, cinĂ©ma, performances, concerts)... Je me dĂ©cidais Ă  prendre un encart dans Les Inrocks en me disant que se serait vu par des auditeurs amateurs du musicien (avec le recul je me suis peut ĂȘtre trompĂ©...). Par ailleurs j'envoyais une copie Ă  Christophe Conte du disque (en me disant que j'aurai sans doute un papier). AprĂšs avoir laisser un peu de temps, je contactais le "rock-critic", en lui demandant si le disque l'avait interpellĂ©. Il me rĂ©pondit laconiquement, qu'il fallait qu'il l'Ă©coute davantage. Et puis au final, il ne m'a jamais fait aucun retour. Cette fois-ci je mettais fait avoir, la pub n'avait pas payĂ©... Comme quoi, il n'y a jamais eu de vĂ©ritĂ©. L'argent ne permet pas tout, toujours. Et certains supports sont plus indiffĂ©rents que d'autres aux sirĂšnes de la finance. Tant mieux, et tant pis pour moi cette fois lĂ . Le disque passa inaperçu pour la rĂ©daction des Inrocks (et pour bien d'autres d'ailleurs), et les concerts que je pouvais faire en terre ruthĂ©noise n'intĂ©ressera absolument pas le microcosme parisien (et au delĂ ) malgrĂ© leurs intĂ©rĂȘts : Hauschka, Dustin O'Halloran, Rachel Grimes, Nils Frahm, Claire Chevallier, AstrĂŻd...

Ces exemples significatifs tentent d'illustrer mon propos. Néanmoins ils ne peuvent pas résumer à eux seuls le fonctionnement d'une "filiÚre" toute entiÚre, et mettre en lumiÚre toutes ces particularités. Qui plus est, ces "expériences" ne sont pas forcément représentatives, et il ne s'agit absolument pas de me laisser tenter par la globalisation de mon discours. Chacun peut avoir un avis sur la question...

Cependant, je n’ai jamais vĂ©ritablement compris ce traitement, du label et de ses productions. Ma force de promo Ă©tait sans doute bien trop dĂ©risoire. Ma persĂ©vĂ©rance aussi (c’est un mĂ©tier, quelque peu putassier). Mon budget aussi. Faire de la promo avec quelques CDR ne suffisait pas. Ah si j’avais eu du pognon, je pense qu’avec ça j’aurai pu faire en sorte que l’on me dĂ©roule le tapis
 Mais ce n’était pas le projet, par nature et par obligation. Cette nĂ©gation du label (enfin quasi) par la presse n’était pas dĂ» qu’au manque de moyen, je ne pense pas (le cas Erik Satie et les nouveaux jeunes l'illustre). Je crois que la presse dans son ensemble, quel que soit l’époque, n’a jamais vraiment Ă©tĂ© curieuse. Elle a souvent vĂ©cu sur des faits Ă©tablis, sur des projets rassurants. La presse de kiosque devait (et doit encore) vendre pour avoir du crĂ©dit, pour prĂ©tendre avoir de l’impact. Quand je travaillais dans la communication, nous consultions trĂšs souvent le rĂ©pertoire OJD (dĂ©sormais Alliance pour les chiffres de la presse et des mĂ©dias) pour connaĂźtre les chiffres de tel ou tel support en fonction de ce pourquoi nous voulions communiquer) : audience, diffusion, taux de pĂ©nĂ©tration... Du coup la presse doit vendre, et pour vendre, il vaut mieux parler de choses qui font vendre. C’est une loi trĂšs simple (simpliste ?). Difficile d’évoquer des trucs obscurs, de traiter d’artistes ou de projets mĂ©connus. Je parle gĂ©nĂ©ralement, et je dis quelques banalitĂ©s. Mais c’est un constat. Il y avait les fanzines pour ça, qu'une poignĂ©e de lecteurs suivent
 Bien sĂ»r il y a eu des exceptions, mais rarement tout de mĂȘme. Dans son immense majoritĂ© la presse n’a relayĂ© (et continue) que des infos sur des projets bien repĂ©rĂ©s, bien identifiĂ©s et si ce n’est pas le cas (un premier album, une premiĂšre apparition), portĂ©s par une structure qui met le paquet ou par l’approbation populaire (je pense aux artistes qui se rĂ©vĂšlent par les rĂ©seaux sociaux dĂ©sormais).

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La presse a aussi perdu depuis longtemps cette fonction de "prescription", tout simplement parce qu’elle n’est plus lue. La presse est au plus mal, la presse musicale davantage encore. Plus personne n’achĂšte de magazine traitant de musique. Y a qu’à voir le paysage actuel. C’est morne plaine. Tous les titres survivent. Leurs Ă©conomies sont bien fragiles. Ils se rĂ©organisent rĂ©guliĂšrement, lancent des campagnes de soutien, cherchent des solutions pour continuer Ă  exister : souscription, sur abonnement. Terminer l’époque des tirages colossaux, et de la mise en place nationale dans toutes les maisons de la presse de la nation
 Terminer donc l’influence de la presse sur les consciences collectives, terminer leur dictature Ă©ditoriale. Y a qu'Ă  voir tout le mal que se donne un mec comme Broussy qui essaye de sauver Magic! contre vents et marĂ©es. D'abord une relance classique (avec entre temps un changement complet de la rĂ©daction), puis un numĂ©ro tous les deux mois, plus rien, puis un crowdfunding pour sortir une revue pour des abonnĂ©s... Pour la presse, maintenant, les choses se font sans elle, elle court aprĂšs les trains. Il n’y a que les artistes, les musiciens qui y croient encore un peu, mais c’est bien les seuls
 DĂ©sormais tout est possible (monsieur tout le monde s'improvise chroniqueur) mais noyĂ© dans la masse. Interrogeons-nous sur ce rĂŽle de prescripteur que la presse musicale de kiosque avait, fut un temps. Je l’avais abordĂ© dans le premier Ă©pisode, Ă  titre personnel, je dois reconnaĂźtre que j’en ai appris des choses par leurs intermĂ©diaires. Normal j’étais neuf, je ne savais rien. Y avait tout Ă  construire (et c'est pas terminĂ©). Parti de contenu trĂšs gĂ©nĂ©raliste (Best n’était tout de mĂȘme pas un grand dĂ©fricheur), j'ai affinĂ© peu Ă  peu mes recherches. Je lisais des supports variĂ©s, pour Ă©largir mes investigations, pour dĂ©couvrir de nouveaux horizons. Je n’étais pas grand fan de presse spĂ©cialisĂ©e (sur un style musical en particulier, type l’Affiche ou Rock Sound), je prĂ©fĂ©rais les titres plus ouverts, oĂč tout pouvait ĂȘtre traiter. Les dĂ©buts de Magic ! ou mĂȘme des Inrocks un peu avant dans ma chronologie remplissaient bien Ă  mes yeux cette fonction : pointus, divers Ă  l’image de ce qu’était la musique dans ces annĂ©es fin 80, dĂ©but 90, protĂ©iforme, multiple, faisant fi des courants et des catalogues. Mais c’était bientĂŽt le chant du cygne. C’était le monde d’avant le net, celui oĂč la presse avait encore ce monopole, de parler de musique et d’ĂȘtre les seuls Ă  pouvoir le faire. Alors les "rock-critics" pouvaient bien se targuer d’ĂȘtre des passeurs, on n’avait pas le choix. Aujourd’hui tout un chacun peut le faire, pour le pire et le meilleur, souvent de maniĂšre quasi anonyme (Ă  mon image).


Mais la prescription, revenons-y dessus. C’est quoi ? Quelle est la lĂ©gitimitĂ© d'un "rock-critic" de faire ou dĂ©faire des "carriĂšres" (j'exagĂšre volontiers). D’un point de vue juridique c’est un ordre, une injonction, mais plus habituellement c’est une recommandation. Les "rock-critics" avaient ce "pouvoir" d’inviter l’auditeur Ă  aimer tel ou tel disque (ça marche pour tout ce qui est critiquable), tel ou tel groupe, ou en tout cas participer Ă  influencer l'auditeur sur ses choix. Certains, parce qu'un tel ou un tel Ă©crivait un truc dithyrambique sur un disque, fonçaient dans leurs magasins pour se procurer la galette en question. C'Ă©tait coutumier Ă  l'Ă©poque. Aujourd'hui cela semble plus alĂ©atoire, bien que certains "rock-critics" conservent encore une "fan base" consĂ©quente... Allez savoir pourquoi Charles. La presse avait pour elle, Ă  l'Ă©poque, le bĂ©nĂ©fice d'ĂȘtre au courant de ce qui sortait (le vendredi vous savez bien) avant tout le monde, l'exclusivitĂ© de l'information. DĂ©sormais ce n'est plus le cas. NĂ©anmoins, on peut s’interroger d’un point de vue dĂ©ontologique sur la pertinence d’une telle position. Au nom de quel droit, un individu pouvait dĂ©cider qu’un disque Ă©tait magique plus qu’un autre ? Au nom de quel sacro-sainte idĂ©ologie pouvait-on croire Ă  de telles allĂ©gations ? Comment pouvait-on Ă  ce point s’oublier, ne pas se faire son propre point de vue, croire en quelqu’un comme si c’était la parole absolue. Je me suis toujours interrogĂ© sur ce phĂ©nomĂšne, et sur le cĂŽtĂ© science infuse de la critique. "Le rock-critic" a ce cĂŽtĂ© pĂ©dant, de possĂ©der le savoir, de connaĂźtre la vĂ©ritĂ© et de vous prendre pour un idiot. Il possĂšde ce privilĂšge, celui du "bon goĂ»t", et fort de son savoir, il lui est parfois difficile de passer les portes, tant son ciboulot est immense . Un jour, j'ai eu l'opportunitĂ© d'Ă©couter ManƓuvre, par un concours de circonstances. Le mec Ă©tait devant chez moi (une drĂŽle d'histoire que j'Ă©voquerai peut ĂȘtre). Et je n'avais jamais entendu un discours aussi mĂ©galomane... Le "rock-critic" historique s'y croyait comme jamais, Ă  ne parler que des Stones, et Ă  servir des leçons Ă  qui voulait bien les entendre.

Erik Satie (un personnage pour lequel j'ai beaucoup de considĂ©rations, vous l'aurez bien compris) de son temps en tira le mĂȘme constat : « La poutre qui est dans l'Ɠil de chaque critique lui sert de longue-vue pour apercevoir la faille qui est dans l'Ɠuvre de chaque auteur. ». La critique ne l’avait pas Ă©pargnĂ©, et sa musique n’était guĂšre apprĂ©cier
 Bien qu’il constatait son caractĂšre prĂ©pondĂ©rant (et qu’il devait regretter) : "Il y a trois sortes de critiques : ceux qui ont de l'influence, ceux qui en ont moins, ceux qui n'en ont pas du tout. Les deux derniĂšres n'existent pas. Toutes les critiques ont de l'influence". L’exercice de la critique est dĂ©licat. Il faut se mettre, selon moi, dans la position de celui qui conseille, qui recommande, tout en stipulant que cela n’engage que nous mĂȘme, et que l’on ne possĂšde pas la vĂ©ritĂ©. Bien souvent les "rock-critics", forts de leur position se sont abandonnĂ©s Ă  des avis peu objectifs, Ă  des avis tranchĂ©s, Ă  un manque flagrant de relativitĂ©. Je n’ai jamais compris le fait d’écrire sur quelque chose que l’on aime pas. Trouver des mots pour dire qu’un skeud est merdique (pour soi doit-on prĂ©ciser) m’a toujours interrogé  Comment est-ce possible ? Quel est le sens d’une telle prise de position
 ? Je pense aux Ă©crits de Ungemuth par exemple ou aux "billets durs" de Conte. Ne vaut-il pas mieux ne rien Ă©crire. Certains "rock-critics" ont eu la dĂ©cence de me le faire savoir parfois, sur certains disques reçus. Mieux vaut se taire que de faire des bavardages inutiles, qui n’engage que son auteur... L’auditeur doit ĂȘtre le seul juge, il doit essayer d'avoir son propre esprit critique en fonction de ce qu'il est, sans compter sur celui d'un spĂ©cialiste. La musique a ceci d'unique c'est qu'elle parle Ă  chacun de maniĂšre trĂšs diffĂ©rente, puisqu'il s'agit de sentiments et d'Ă©motions. Ce sont des Ă©lĂ©ments presque primitifs, qui ne sont jamais similaires Ă  ceux des autres. Le "rock-critic" n'est pas forcĂ©ment dans le lien, il n'est pas dans l'humain, il est souvent dans la dĂ©monstration et l'Ă©tendue de son savoir. Il se positionne en expert. Comment peut-il espĂ©rer Ă©crire quelque chose sur un disque et faire croire que ce qu'il a ressenti Ă  son Ă©coute parlera de la mĂȘme maniĂšre Ă  une autre personne. C'est un mensonge. MalgrĂ© tout dans mon parcours de lecture il m'est arrivĂ© de croiser quelques plumes qui m'ont interpellĂ© par leur style et leur forme didactique, je pense Ă  des gens comme Christophe Basterra (rĂ©dac en chef historique de Magic !), ou Morvan Boury (j'aimais beaucoup son style dans Magic ! mais aussi Octopus), Marc Gourdon (dont j'ai dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© le nom), Beauvallet bien sur ou Philippe JugĂ© ou Jean Bernard AndrĂ© aussi... Le critique est pris dans cette tension permanente de "l'importance de l’objet de la critique et puissance du discours de cette derniĂšre. Comme le remarquent Serge Cardinal et Michel Larouche, "toutes les formes de critique [
] ont au centre de leur problĂ©matique un travail d’écriture au sein duquel se font Ă©cho le statut de l’objet et la validitĂ© du discours, dans un contexte de lĂ©gitimation et de rĂ©ception". Deux prĂ©requis s’avĂšrent nĂ©cessaires pour qu’une critique rencontre un lecteur : celui-ci doit ĂȘtre intĂ©ressĂ© par l’objet Ă©valuĂ© (cherche-t-il Ă  obtenir un avis ?) et considĂ©rer l’opinion de l’auteur comme valide (connaĂźt-il ce journaliste, lui fait-il confiance ?). En somme, l’objet du jugement et la lĂ©gitimitĂ© de celui qui l’émet constituent deux paramĂštres inhĂ©rents Ă  la rĂ©ception de tout texte critique." C'est Boris Krywicki qui le dit...


Mais reste Ă  se poser la question cruciale, celle de la curiositĂ© du consommateur de musique... Finalement a t'il besoin de quelqu'un qui lui dicte ce qu'il faut qu'il achĂšte ?Aujourd'hui toujours autant qu'hier ? Eventuellement, y a qu'Ă  voir en cette fin (ou dĂ©but) d'annĂ©e ces playlists innombrables qui circulent... La presse en est friande... On peut aussi s'interroger sur les systĂšmes de notations des magazines (Pitchfork est incroyable dans le genre). On peut aussi s’interroger sur l’indĂ©pendance du rock-critic et les liens qu’il entretenait (toujours ?) avec les attachĂ©s de presse des majors et autres labels, avec l’industrie musicale ? On peut aussi rĂ©flĂ©chir sur la question du "jacobinisme" de la presse musicale. Autant de sujets qu'il conviendra d'Ă©voquer lors d'un prochain Ă©pisode. J'arrive Ă  la fin de celui-ci avec le sentiment d'avoir enfoncĂ© des portes ouvertes, de mettre perdu dans ma pensĂ©e, et d'en avoir montrĂ© sa dĂ©sorganisation. C'Ă©tait une Ă©tape essentielle, Ă  priori, pour tenter de la dĂ©rouler et de l'exposer.


 
 
 
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