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Les merveilleux seconds "couteaux" (2) : The Essence...


Photo de The Essence sur "Monument of trust" au verso...


Ici, sur ce site, j'ai régulièrement évoqué ce groupe. Tout d'abord avec les articles intitulés "Au commencement", sorte de réceptacle de souvenirs embrumés et ténus, du jeune adolescent que j'étais. Puis enfin quand j'ai essayé de mettre en lumière le label Midnight Music, il y a quelques mois. Néanmoins, quand j'y repense, je n'avais jamais véritablement essayé de développer mon propos au sujet de la bande à Hans.

C'est l'inévitable David G, mon copain de seconde, qui m'a parlé de ce groupe, pour la première fois. Nous étions en étude, après le repas de midi. Là, plutôt que de travailler, nous échangions sur nos découvertes musicales respectives et nos connaissances en la matière, sous l'œil réprobateur de la pionne. C'était toujours la même rengaine. David et moi avions les mêmes prédispositions, les mêmes goûts, ceux de la noirceur, de la mélancolie. Nous étions en 1988. David G avait toujours avec lui une cassette enregistrée du projet en question, qu'il me dégainait, en véritable passeur accompli. Cette fois-là c'était l'album "A monument of trust" de The Essence. Comme toujours j'avais mon walkman avec moi. Je rangeais la cassette dans mon sac, patientant jusqu'au soir (pas d'utilisation de cet engin au sein du lycée, interdiction formelle), l'heure du trajet en bus pour rentrer chez moi. J'avais déjà reçu quelques claques, précédemment grâce à David G : Joy Division et ce pirate aux Bains Douches, New Order et leur "Brotherhood", That Petrol Emotion avec "Manic pop thrill", Spear of Destiny et le fameux "One Eyed Jacks". Pour cet album de The Essence, David G m'avait bien précisé qu'il s'agissait de leur second opus, tout juste sorti, quelques mois plus tôt, en 1987. Dès les premières notes du morceau d'ouverture "A mirage", le charme s'opéra. Encore une fois David G avait visé juste. La voix de Hans Diener me faisait penser à celle de Robert Smith bien sûr, mais je lui trouvais tout de même une originalité, un grain qui lui était propre. Le morceau en question était une merveilleuse chanson Pop de moins de 4 minutes, teintée de nappes et d'arpèges hispaniques (d'où le statut de chanson culte en Espagne et en Amérique du Sud que je découvrirai plus tard notamment avec le Ep du même nom et sa version longue et celle en espagnol). Mes premières impressions n'ont jamais permis de conclure que je tenais là uniquement une imitation de The Cure, comme souvent j'ai pu le lire ici ou là, même écrit par des gens "recommandables et sérieux". Jamais grand dam, je n'ai eu cette facilité de l'esprit et des émotions. Certes comme je vous le disais, la voix avait quelques similitudes mais seulement à condition de se contenter d'une écoute très sommaire et parcellaire. Comme je le lirai bien plus tard sous la plume d'Emmanuelle Debaussart dans Best, The Essence est de ces groupes dont "leurs chansons sont du genre qui émeuvent sans raison précise. Un petit pincement, là. Comme ces mélodies associées à un souvenir profond qui remuent tout dès qu'on les entend". The Essence, c'était ça pour moi. Un projet qui résonnait intérieurement, et qui exacerbait mes émotions d'adolescents, la suggestion d'un profond romantisme, qui m'animait ardemment à cette époque-là. J'avais trouvé ma bande-son : tout y était beauté, mélancolie, à en pleurer dans sa chambre, seul, à rêver d'amour. Il y avait quelques sommets : "Years of doubt", "Fire", ou sur la Face A "In Tears" et le magnifique "The Waves of death" qui m'envoutera au point de me faire raconter des histoires. En effet ce dernier titre et sa ligne de piano m'obsédait tant, que j'avais fait croire à l'une de mes petites amies du moment pour laquelle j'étais encore une fois, éperdument amoureux, que nous l'avions composé avec mon groupe de copain. Je lui avais copié d'ailleurs sur une cassette. Elle y avait cru (ou m'avait fait croire) semblait-il. Quelle période folle, et démesurée, où tant de sentiments se télescopaient (j'aime beaucoup la bande à Stephen Lawrie), et venaient s'entrelacer dans mon esprit en plein chambardement. The Essence et ce "Monument of trust", c'était la quintessence du vague à l'âme pour moi, de la nostalgie, simple et limpide, évidente. Les guitares harmonieuses, exquises, cette basse ronde et profonde, cette voix évanescente, cette rythmique millimétrée, autant d'éléments (et bien plus encore), qui feront de cet album un marqueur essentiel de mon parcours de passionné. La vie est ainsi faîte, il y a des disques comme ça qui résonnent pour chacun de nous, et qui figent un instant, un intervalle, une phase, une étape. Bien plus tard, je mettrai les mains sur le vinyl, par hasard, comme souvent, après avoir usé la cassette que David G m'avait filé (sans le dernier titre que je découvrirai bien plus tard). Et finalement la pochette réalisée par "Blue in the afternoon" me surprendra à peine. A l'image de mon ressenti de l'instant.

J'avais essayé de trouver des informations sur le groupe et sur ce disque, parmi mes Best, mais je n'avais réussi qu'à trouver leur nom dans des catalogues de VPC, sans plus d'explications, à mon grand regret. Je lirai la chronique de E. Debaussart longtemps après, dans un Best, de janvier 88, trouvé sur une brocante, et je serais enchanté de ses mots (comme toujours). Elle concluait de la sorte : "Anecdotique ? (A monument of trust") Bien plus que ça ! Un disque qui a toutes les chances de passer inaperçu - ce qui serait regrettable - mais qui restera longtemps pour ceux qui auront la curiosité d'y jeter une oreille (dépourvue de préjugés)". Emmanuelle a toujours su me parler... Là en l'occurrence, elle venait conforter un point de vue, construit, il y a longtemps, dans ma petite chambre, à regarder la pluie tomber. Quelques mois après, lors d'un passage chez Musica, le petit disquaire de Vierzon, où je me rendais de plus en plus régulièrement (j'ai évoqué ce dernier, dans un post, où je parlais de mes premières acquisitions, le premier album de Fine Young Cannibals, et celui de The Prisoners "A taste of pink"), pendant mes heures d'études, je tombais dans les bacs, sur "Purity". Je n'en revenais pas, comment était-il arrivé jusque-là ? Va savoir Charles. En import. Je ne laissais pas passer l'occasion. Je l'achetais. Arrivé chez moi, dans ma chambre, je décortiquais l'objet, avant de le mettre sur la platine. En regardant la date de sortie (1985) j'en concluais qu'il s'agissait d'un album antérieur à "Monument of trust". J'apprendrai par la suite, que c'était le premier de leur discographie. Le visuel de la pochette correspondait à ce que je m'étais construit autour du groupe, l'idée d'une certaine fragilité, flanquée d'une bonne dose de sensibilité et d'une certaine idée de la finitude : une rose dans un vase, épurée, la lumière un peu blafarde, et au verso la même fleur, fanée, les pétales sur la table. A l'intérieur du disque il y avait un insert avec les paroles des chansons, et quelques éléments d'informations sur le groupe, le label, la production. C'est comme ça que j'appris la composition exacte du groupe. Il s'agissait d'un trio amené par Hans Diener au chant et à la guitare (quelle science du flanger) et accompagné de Olaf Willemsen à la batterie et Jeroen Geertsma à la basse. Midnight Music était le label qui abritait le projet. C'était donc ma première acquisition, de la structure de Nick Ralph (qui est comme souvent crédité à la production des disques édités sur sa structure), et je ne savais pas encore, qu'au fil des années, ma collection s'étoffera d'une grande partie du catalogue. The Essence était un groupe hollandais, de Rotterdam, et ça, je ne l'avais pas vu venir et même pas imaginé. Je pensais qu'ils étaient originaires d'Angleterre (à cette époque c'était bien le premier groupe batave qu'il m'était donné de connaître). Par contre le label était bien d'Outre-Manche... Cet insert était une mine finalement de ressources, d'indications et dieu que je l'ai consulté et scruté sous toutes les coutures. Quant à la musique, elle aura le même effet qu'avec "Monument of trust". Une révélation ! Je m'y vois encore, à écouter ces titres, sur mon lit, à suivre les paroles assidument et être saisi par l'émotion et l'émerveillement.

Bien plus minimal que le second album, les morceaux s'enchainaient pourtant avec allégresse et justesse, avec des mélodies si savoureuses et si habilement imaginées, conçues... Rien sur ce disque n'était à jeter, aucune faiblesse, aucun temps mort, aucune maladresse (pour un premier album). De la face A à la fin de la face B, l'émoi n'étaient que grandissant, la musique pénétrante et envoutante, organique au sens littéral du terme : "A reflected Dream", "The Cat, "The Blind" "Endless lakes" jusqu'au final "The waving girl" et le morceau éponyme "Purity", sommet de tristesse, de neurasthénie, de déchirement et d'exaltation poétique. On ne mesure jamais assez l'effet que peut produire une musique sur une personnalité en cours de construction, The Essence aura marqué ma jeunesse et chaque écoute depuis m'y replonge irrévocablement.

Plus vieux je dois avouer que je les ai laissés un peu de côté, d'autant que la cassette de "A monument of trust" avait disparu de ma collection et que "Purity" (avec son angle gauche un peu mâché par Sidonie, ma petite chatte de l'époque) restait coincer dans mon étagère parmi les vieilleries qu'il ne fallait plus écouter (parfois on paye cher le dogmatisme de ceux qui nous entourent, quand on en arrive à revendre ses anciens disques, heureusement je ne l'ai pas fait dans le cas présent). Et puis il m'avait paru important de ne plus trop les considérer alors, influencé par ce que j'avais pu lire ou échanger sur eux avec d'autres "passionnés". Relégué à une simple et pâle copie de The Cure, The Essence devenait peu à peu une simple anecdote (mince Emmanuelle) de la musique moderne, assez peu inspirée et ringarde. C'est fou ce que les autres peuvent annuler et inhiber chez vous, réduire, au nom du bon goût décrété par le plus grand nombre. Il aura fallu de la maturité et surtout l'affirmation d'un jugement propre, pour qu'ils reviennent dans mon panthéon personnel et ne jamais le quitter. Comme souvent c'est les hasards de la vie qui le permettent (des skeuds qui arrivent au bon moment, quelques bouleversements et une bonne crise personnelle). Je tombais sur "A monument of trust" enfin en vinyl lors d'une brocante, et sur quelques Eps d'entre les deux albums pour relancer mon engouement et revendiquer enfin mon attachement historique pour ce trio. The Essence, c'est avant tout ces deux disques éblouissants, pétris de splendeurs, d'élégances, de somptuosités. Et l'idée même que je me fais de la musique New Wave, sa quint-Essence finalement (à ranger aux côtés de la trilogie de Cure).


Il y a peu je me suis procuré un Ep que le groupe a sorti avec Sad Lovers & Giants, surtout pour le titre inédit de ces derniers, car le morceau de The Essence est tiré de "Purity" bien que légèrement différent. Enfin j'ai commencé à appréhender leurs albums plus récents édités chez Midnight Music à savoir "Ecstasy" (qui ne figure pas sur Youtube) et "Nothing lasts forever" sorti en 1991. Des disques sur lesquels il conviendra de revenir et qui soulignent une nette évolution du groupe (le dernier notamment et le son bien plus électrique, presque Shoegaze). Ils ont sorti deux autres albums, dont le dernier en 2015 et continuent de tourner avec un line up différent, seul Diener est encore présent.





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