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Souvenirs déchus, désirs perdus...

Je l'ai souvent écrit (cela n'a rien d'original) la musique et les souvenirs personnels sont étroitement liés en raison de l'impact émotionnel que la musique peut avoir sur vous. La musique a le pouvoir de déclencher des émotions intenses et de créer des associations mentales avec des moments spécifiques de notre vie. Elle peut évoquer des émotions spécifiques, que ce soit la joie, la tristesse, la nostalgie ou l'excitation. Lorsque nous écoutons une chanson, un disque, pendant un moment significatif de notre vie, cette musique devient associée à l'émotion que nous ressentions à ce moment-là.

Certains morceaux de musique deviennent des "ancres temporelles" qui transportent l'auditeur directement à l'époque où il a découvert la chanson. Ainsi, une chanson, un album peut être liée à un été particulier, une fête, une relation amoureuse...

La musique peut servir de déclencheur pour rappeler des souvenirs précis. Écouter une chanson que l'on a écoutée pendant une période spécifique de sa vie peut raviver des détails et des expériences que l'on pourrait avoir oubliés autrement.

La musique peut devenir une partie intégrante de notre expérience personnelle en créant des connexions émotionnelles avec des moments spécifiques de notre vie. Les souvenirs personnels sont souvent imprégnés de la bande sonore de notre existence, faisant de la musique un puissant moyen de capturer et de revivre des moments passés.



En 1995, j'avais découvert le label Alias records, grâce à Manu. Le titre "Backwash" d'Archers of Loaf, qu'il m'avait copié sur une cassette, m'avait ouvert la voie. Je l'ai déjà souligné dans un article consacré à cette structure. Dès lors, vous connaissez mon obsession pour les labels, tout ce qui pouvait sortir de chez Alias, il ne fallait pas que je le rate. Les temps étaient différents, le net en était à ses balbutiements et la seule source d'informations quant aux sorties de disques était les revues ou les fanzines. C'est je crois dans Magic! dont c'était la première année d'existence, que j'avais repéré la sortie de ce "Silver gleaming death machine" de Small, chez Alias du coup et lu une chronique brève plutôt positive. Je ne connaissais évidemment pas le groupe (à ce moment-là juste Archers of Loaf et Hypnolovewheel m'étaient familiers), leur discographie, leur style. Mais ma confiance était totale, si ce groupe se trouvait chez Alias, il n'y avait pas de doute, cela devait être du tonnerre. Je sais ce genre d'attitude peut paraître invraisemblable aujourd'hui, mais c'était véritablement ma façon de procéder à l'époque, et pour plein d'autres structures (Touch&Go, Drag City, Thrill Jockey, Mo'Wax, Kranky...). Je ne sais plus comment j'ai réussi à trouver le disque en question. Mais je pense que cela devait être en Import à la Fnac d'Orléans, comme souvent à cette période. En effet Alias n'était pas distribué en France et ne le sera d'ailleurs jamais (les distributeurs n'ont jamais été des passionnés, mais juste des commerçants)... Vous savez je me remplissais des carnets de nouveautés, que j'emportais avec moi, à chaque excursion dans les grandes villes. Cela me permettait de garder une trace de ce qui m'avait interpellé lors de mes lectures. En y repensant, peut-être ai-je volé ce disque, tant bien... Je ne sais plus. Quoi qu'il en soit, je ne fus pas déçu une nouvelle fois par le label, le disque et du coup le groupe. C'était de L'Indie pur jus, une Power-Pop sous amphétamine, avec des mélodies à mourir. Je ne m'étendrai pas sur Small (qui avant s'appelait Small 23), non, ce n'est pas l'objet. Je ne savais pas encore que cet album serait le dernier pour eux. Quand j'écoute ce disque encore, irrémédiablement cela me replonge dans l'année 1995, justement et à ce que je pouvais vivre. Mes souvenirs sont flous, mais avec quelques séquences plus claires. C'était le temps encore des walkmans (plus pour longtemps, le lecteur mp3 arrivera un peu plus tard), le mien désormais était un lecteur Cd portatif, je l'avais chopé chez Gifi. Je l'utilisais lors de voyage essentiellement. De ce temps-là, j'étais dans une spirale infernale, celle de l'inconscience et de l'imprudence. Je crois que c'est l'année où j'ai battu tous les records en matière d'accident de voiture. La faute à un excès de vitesse, à des prises de risques inutiles, une excitation quasi permanente mêlée d'un sentiment d'incompréhension vis à vis de mes parents et un amour maladif pour ma "girlfriend" de l'époque. En l'espace de quelques mois, j'ai dû planter ma bagnole au moins une dizaine de fois. Mes parents, le garagiste, l'assurance, les gendarmes étaient désespérés. Où cela allait-il me mener ? Bien entendu quand ma voiture était accidentée et immobilisée, j'étais démuni. Le temps des réparations, j'étais comme un "rond de frite", contraint de rester chez moi, à m'enrager à ne pas pouvoir voir l'être aimée, à ne pas sortir. Ce manège durera jusqu'à ce que la voiture soit définitivement irrécupérable (et que l'assureur dise stop). Lors d'un de ces épisodes, alors que ma voiture était au garage, je me rappelle que j'essayais tout de même de conserver un peu de mon autonomie. Je n'avais pas 36 moyens. Je faisais du stop ou du vélo. Le lien avec Small, et bien, le souvenir d'une virée à Vierzon pour voir ma dulcinée, partir en début d'après-midi, avec mon vélo et cet album dans les oreilles, 18 km sur la nationale, à travers la forêt solognote, un après-midi bien doux, et puis le retour dans la nuit, avec une petite pluie, sans phare (juste un réflecteur au bas de la selle), aspiré par le passage des camions et des voitures... Une musique qui, il faut bien le dire, m'avait bien motivé pour appuyer sur les pédales.



Quand j'avais 14 ans, au début de ma vie en Sologne (cela durera environ 10 ans) je ne pensais qu'à une seule chose, redescendre dans le midi. J'ai, à cette époque, inventé toutes sortes de stratégies, afin de remettre les pieds sur mon territoire initial. De ce fait, aux petites vacances essentiellement, je m'organisais pour passer quelques jours chez mon frérot à côté de Nîmes. C'est ainsi que d'ailleurs j'entrepris mes premiers voyages avec la SCNF, de Vierzon à Nîmes en passant par Lyon Pardieu. De longues heures à écouter le walkman. Une fois, pour Pâques me semble-t-il, je rejoignis Eric. Il venait d'obtenir le permis (nous avons 4 ans d'écart), il était venu me chercher à la gare de Nîmes, avec sa première bagnole, une 104 peugeot.



Quel bonheur de pouvoir circuler, enfin, sans avoir de compte à rendre. Eric me trimballait dans tout le pays, à fond les manettes, l'autoradio à blinde. Moi à ses côtés, nous discutions, on fumait des clopes, et on se tapait là où bon nous semblait. Lors de cette semaine, Nous avions décidé d'entreprendre un petit périple en terre cévenole. Eric avait accepté, et savait pertinemment, combien, ce territoire me manquait depuis mon départ en Région Centre. Nous étions partis dans la matinée, il faisait très beau. Il fallait compter une heure et demi de route. Nous nous étions arrêtés sur la route, dans un petit supermarché pour faire quelques courses, afin de pique-niquer : un peu de jambon, un peu de saucisson, un camembert et du rouge, avec du pain bien sûr. J'avais décidé de revenir sur les pas de mon enfance, et l'objectif final du voyage était un petit village et ses environs, à Soudorgues (où mes parents se sont mariés et où ils sont installés depuis 2005). Sur la route Eric avait mis du Steel Pulse, que je ne connaissais pas. Il était très amateur de Reggae, et moi j'étais assez ignorant en la matière mis à part quelques Bob écoutés ici ou là. Je trouvais ça très agréable, plutôt joyeux et entrainant. Les voix étaient merveilleusement claires. Eric avait installé un "Sound system", alors nous prenions les basses de plein fouet. C'était enivrant. Encore une fois, je ne savais rien de ce projet, mais Eric se chargea de tout me raconter, de leurs origines (un peu atypique puisque d'origine jamaïcaines mais nés à Birmingham) et de leur parcours. Quelques années plus tard, j'achèterai une compilation du groupe "Smash hits" qui à chaque écoute, me rappelait ces moments délicieux, où nous montions dans le nord du Gard, en rigolant et en bavardant. Ce jour-là, nous décidions d'aller au-delà d'un lieu-dit, au-delà de La Roque, empruntant une toute petite route, où il était impossible de se croiser, et dont nous ne savions pas s'il s'agissait véritablement d'une route ou d'un chemin. On se posait en bas dans la vallée, dans un champ, au bord de la Salindrinque, au soleil. On dégustait notre pique-nique, et je crois même, que nous avions même fait une sieste. Le voyage du retour se fît avec cette fois-ci le 2ème album des Pixies "Surfer Rosa". Je ne connaissais pas encore ce groupe, et Eric m'avait laissé entendre que c'était une tuerie. En effet, je n'en revenais pas. Un projet ricain m'avait-il expliqué. La fureur et les mélodies, pour notre plus grand bonheur, je me sentais si vivant. Etre là, dans ces coins, avec mon frérot, en bagnole, c'était tout ce que nous avions rêvé et mieux encore. Sans doute un de mes premiers moments d'émancipation, fondateur, un marqueur de vie, comme on peut l'évoquer quelque fois, rare et puissant : "Where is my mind ?".





Autre souvenir, douloureux cette fois-ci, comme le disait Badinter, les souvenirs sont souvent douloureux, même les joyeux. Pour celui-ci, j'avais 16 ans. Je jouais de la basse avec des copains, je jouais au foot, je commençais à fumer des clopes et j'entrais pleinement dans une période dite de remaniement. Mes copains du groupe écoutaient essentiellement du Hard-Rock, j'en ai parlé. Moi ce n'était pas vraiment mon truc, mais c'était une façon de m'inscrire, alors j'écoutais à côté de Cure, du Gun Club, des Stranglers, de The Essence ou Trisomie 21, des trucs qu'ils me proposaient, du style Saxon, Helloween, Yngwie Malmsteen, Joe Satriani et consorts. Un samedi, je crois, nous étions allés avec ma mère à Bourges faire des courses. Nous avions dans un premier temps trainé en ville pour faire les boutiques. Ma mère m'avait d'ailleurs acheté une veste en jean (Liberto même) et des Converses rouges. J'avais été gâté. Puis nous étions allés à l'hypermarché de la périphérie à St Doulchard, Record faire le plein de victuailles. Souvent avant d'accompagner ma mère en conduisant le charriot, je m'arrêtais au rayon BD, disques. A cette époque-là, encore, il y avait des vinyles en présentation et bien sur des cassettes. Le CD arrivait peu à peu, mais était tout de même un peu marginal, en province (les lecteurs CD n'étaient pas donné). Je jetais un œil aux nouveautés et bien sûr fouillait les bacs de promo. Cette fois-là, j'avais repéré une cassette de Gary Moore et son 3ème album "Rockin' Every Night - Live In Japan", elle n'était pas vendue très cher. Pourquoi Gary Moore, parce que les copains m'en parlaient souvent, m'avaient fait découvrir quelques morceaux et qu'ils m'avaient parlé de Thin Lizzy. Aussitôt, en allant retrouver ma mère, je lui demandais si je pouvais prendre cette cassette avec moi (je n'avais pas un radis). Gentiment ma mère me fît comprendre que déjà j'avais eu pas mal de choses (les habits) ce jour, et que donc il était plus raisonnable de laisser la cassette là où elle était, et que nous la prendrions éventuellement à une autre occasion. J'étais jeune, puéril, con et dans l'apprentissage de la frustration. Quand vous êtes enfant unique, ce temps est plus long. Je fîs mine de ramener la cassette à sa place. Et le plus discrètement possible, je me mis à déchirer l'emballage plastique qui la sécurisait. C'était un emballage antivol, qu'il me fallait simplement désolidariser pour sortir l'objet. J'avais plusieurs fois fait ce geste dans d'autres magasins, dont le fameux "Mummer" d'XTC aux Nouvelles-Galeries. Je mis ensuite à l'abri des regards indiscrets la cassette dans la poche intérieure de mon blouson, puis je retournais tranquillement rejoindre ma mère pour continuer nos courses. Evidemment, ce genre d'activité, comme le savait tous, se termine toujours au même endroit, à la caisse. Il faut décharger le caddie, et recharger, et payer. C'est ce que nous fîmes. Et moi en gentil garçon, je donnais la main à ma mère. Au bout d'un moment, presque à la fin, une personne en costume est venue nous aborder. Le monsieur nous demanda de finir de charger le caddie, de payer et de le suivre. Je commençais à me poser des questions et à me dire que ça ne sentait pas bon. Ma mère me regardait suspicieusement, et me demandait de quoi il en retournait. Il nous amena dans les bureaux, au-dessus de l'accueil. Il fit garer notre caddie, derrière la banque et nous fît monter à l'étage. Là, il me demanda de sortir ce que j'avais dans la poche. Ma mère hagarde, me dévisageait, ses yeux étaient devenus sombres. Penaud, je sortis la cassette de Gary Moore. Ma mère aussitôt me mit une claque et commença à m'admonester durement. Le regard dans le vide, des larmes aux yeux, les yeux baissés, je n'avais plus qu'à subir mon châtiment. Le gars évidemment en rajoutait pas mal, en disant, qu'il aurait pu téléphoner à la police, et que cette histoire aurait pu tourner mal pour moi, que j'avais été suivi par des personnes salariées du magasin et qu'ils m'avaient repéré d'entrée, pour ne plus me lâcher.

Après ses sermons, il nous fît redescendre à l'accueil, moi derrière lui, ma mère derrière moi, furieuse et en me disant que j'allais voir quand elle en parlerait à mon père. Bref c'était la catastrophe. Comble du drame que j'étais en train de vivre, le gars fît payer la cassette à ma mère. Le retour à la maison, dans la voiture fût une torture, où j'en pris pour mon grade, que j'étais un enfant gâté, que je ne pouvais pas m'empêcher, me raisonner, qu'il fallait que j'obtienne ce que je voulais et j'en passe des meilleures. J'appréhendais évidemment la confrontation avec mon paternel. Ce ne fût pas aussi terrible que je l'imaginais. Mon père simplement me fît une leçon de morale mémorable, et surtout me punît sévèrement (d'autant que cette connerie n'était que la suite d'un certain nombre d'autres). Je fus privé de basse, de répétitions avec les copains, que je me souvienne. La cassette me fût laissée, bien entendu, pour mieux réfléchir à mon acte. Autant vous dire que je ne la mis pas de sitôt dans le lecteur. Il fallut du temps pour digérer cette histoire, pour mes parents, ma mère qui avait selon elle, eut très honte (qui d'ailleurs m'en reparle encore, avec le sourire désormais). Gary Moore, je ne voulais plus en entendre parler. Puis je finis par écouter. Mais déjà, cette musique ne m'intéressait plus. Je me demande toujours, aujourd'hui, comment j'ai pu craquer pour un tel artiste, un tel album. J'ai eu par la suite l'occasion de rentrer des vinyles de ce guitariste Et jamais je n'y ai trouvé un quelconque intérêt. D'ailleurs, sachez que c'est pratiquement invendable. Dans tous les cas, ça aurait pu être pire, me direz-vous, j'aurai pu voler une cassette de Ted Nugent.

Au bout du compte, dans toute cette histoire, ce que je ne savais pas, c'est que c'était le début d'un long processus.



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