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The Lords Of The New Church

Dernière mise à jour : 1 oct. 2022

J'en parlais il y a quelques temps dans l'article consacré au "Rattus Norvegicus" des Stranglers... A l'été 88, je suis en vacances dans une station du Pays Basque. A la Pierre St Martin. Mes parents ont loué un appartement. Ils ont prévu d'utiliser celui-ci comme "camp de base" aux multiples randonnées qu'ils ont imaginé. La Station est vide, rien à voir sans doute avec ce à quoi elle peut ressembler en hiver : de grosses barres d'immeubles posées au milieu de rien, dans les sommets (vers 1500 m d'altitude). Ça rappelle un peu le Pas-de-la-Case, ou La Grande Motte hors saison. Des immeubles de la fin des années 60 au beau milieu d'une nature préservée et sauvage, on a là les restes de cette politique du tourisme de masse et des congés payés. A la fin des années 80, la crise climatique est encore loin des préoccupations et les stations de ski tirent principalement leurs profits durant la haute saison, celle de "l'or blanc". L'été, ces lieux sont quasi abandonnés, il n'y a plus personne, et les appartements ou studios sont désertés pour la plupart (y a un côté "Shining"). Nous ne sommes pas encore sur le tourisme vert, celui qui file à la montagne l'été, pour trouver de la fraicheur, et fuir les plages bondées. J'ai 16 ans, et je ne vois pas cet endroit d'un très bon œil. Je prévois quelques semaines "d'emmerdements", loin de tout, à randonner dans ces paysages à couper le souffle mais pour lesquels je n'ai que très peu d'intérêts. J'ai amené avec mon walkman avec quelques cassettes, notamment le "Fire of Love" de Gun Club, le "Fear of music" des Talking Heads, et "Eternally yours' des Saints. Je me les passe en boucle depuis notre départ du Cher. Les paysages ont défilé sur ces "bandes sonores" et la route m'a paru si longue, sur ces nationales empruntées.

La Pierre St Martin, en août, c'est comme le décor parfait d'un film de fin du monde. Je descends en bas du bâtiment, et je commence à errer dans cette cité abandonnée et perchée sur les hauts pâturages. Au début, tout me semble, sans vie. Je ne croise personne, quelques rares personnes seulement, rasant les murs, s'engouffrant dans des bâtiments et disparaissant. Des boutiques occupent les rez-de-chaussée de ces immeubles, elles sont toutes fermées, rideaux baissés. J'écoute mes cassettes et je déambule, à chaque coin de rues, de galeries, de coursives, un point de vue sur les montagnes plus hautes ou la vallée.

En quelques jours, je deviens familier des lieux. Je profite de mes petites escapades pour fumer des clopes. En cheminant hasardeusement, je finis par tomber sur une petite galerie semi-couverte où je découvre un bar qui semble ouvert. Je passe rapidement devant pour voir s'il y a un peu de vie. Je ne distingue pas grand-chose, l'échoppe me semble relativement peu fréquentée, mais par contre il en échappe du son, fort. Curiosité.


Je décide quelques jours plus de tard, de retourner à ce bar, et d'en pousser la porte. Je demande à mes parents quelques "sous", histoire de me payer un coup. C'est le soir, après le repas. C'est l'été, il fait jour tard, mais par contre, il fait frais. On est à la montagne. Et il y a toujours un peu d'air. J'arrive devant la porte, j'hésite, puis je prends mon courage à deux mains, et je pousse la porte. Le bar est vide. Il y a toujours de la musique à fond, et je distingue une jeune femme derrière un petit comptoir. Cette dernière me lance un bonsoir, et semble faire la vaisselle, une clope aux lèvres. Je m'installe au bar, sur un tabouret, je sors mon paquet de cigarettes et m'en allume une. La fille derrière le comptoir, baisse un peu le son et me demande ce que je souhaite boire, je lui commande un demi. Je reste là un petit moment, sans mots dire... La fille me pose quelques questions, sur ma présence ici, et j'apprends qu'elle tient en gérance ce lieu pour la saison, qu'elle vient d'Orthez. Elle doit avoir 30/35 ans, et m'explique qu'il n'y pas foule dans le coin. Un gars rentre, un jeune homme, un plus vieux que moi, peut-être la vingtaine. Il semble bien connaitre la fille du bar. Ils se tutoient. J'échange quelques mots avec lui, il tient le magasin de sport, dans la galerie, un peu plus bas. Je regarde l'heure, il est temps de rentrer à l'appartement. Je m'éclipse donc, et rentre retrouver mes parents. La nuit est tombée, je me couche, satisfait d'avoir enfin trouver des interlocuteurs, dans cette triste cité des sommets pyrénéens. Les jours qui suivent je me rendrais quotidiennement au bar. Il n’y a toujours pas grand monde, mise à part la gérante et ce gars de la boutique de sport. On discute, de musique surtout. Nous nous apercevons avec Philippe que nous avons les Stranglers en commun, et le fameux "Rattus Norvegicus". Je suis tout heureux enfin de rencontrer quelqu’un qui les connaît et qui les apprécient. Je me sens moins seul. Je n’ai pas l’album (je suis revenu sur cette histoire). Philippe me propose de me l’enregistrer. C’est donc avec joie que je le retrouve enfin, après quelques années d’absence, et le souvenir ému de sa découverte… Philippe le met en fond sonore d’ailleurs, quelques soirs (c’est la seule fois où je l’entendrai dans un café). Gabrielle, quant à elle, la gérante n’est pas avare de conseils non plus et sans reste pour les découvertes. Elle est plus âgée que nous. Elle m’initie ainsi à Television et leur "Marquee Moon". Elle le diffuse régulièrement. J’en tombe littéralement sous le charme. Les soirées s’enchainent, et nous commençons à partager beaucoup de choses ensemble. Je passe petit à petit tout mon temps dans ce troquet, ne participant plus trop aux vacances familiales. Gabrielle me propose même de venir donner la main, pour servir. Ma première expérience professionnelle en somme. Je n’ai aucun contrat, aucun salaire, mais je bois des coups à l’œil, je fume des clopes et je ramasse les pourboires. Le paradis en somme… C’est comme ça que finalement je découvre que le lieu est un peu fréquenté par quelques touristes randonneurs, quelques cars de personnes âgées et quelques autochtones. Le mardi c’est soirée Cidre fou…


Philippe avec qui nous échangeons en permanence est dingue de musique, également. Il est étudiant et tient la boutique familiale de sport en guise de boulot d’été. Il aime aussi le foot, le Barça. Sa famille possède une loge au Nou Camp, d’après ce qu’il me dit. Un soir, il balance dans la chaine une cassette. Le son m’interpelle, il me dit qu’il s’agit de The Lords Of The New Church. Je n’ai jamais entendu parler de ce groupe. Le nom m’intrigue. Je ne le sais pas encore mais il me fait écouter le second album : "Is Nothing Sacred?". Je deviens très rapidement addict du disque. Je le passe en boucle. Je lui demande de me l’enregistrer. Ma mère m’achète des cassettes vierges, et Philippe me fait les copies.

Ce qui est prodigieux dans la musique c’est cette force d’évocation, ce sentiment de toucher au plus profond de soi. Ce disque m’a naturellement et primitivement parlé. Vous savez, de ces découvertes qui vous subjuguent, et qui vous nourrissent pour vous transformer durablement. Ici, Les Lords ont une formule qui fait instantanément mouche chez moi. Et je ne sais pas trop pourquoi originellement. Je l’expliquerai bien plus tard. Les titres sont souvent mid-tempo, la basse y est énorme et la voix est éblouissante et tellement touchante. Un titre m’obnubile : "The night is calling". Les criquets de nuit d’été, une basse "slidée" peut-être ? Et un chant déchirant. Le titre parfait qui me met à genou, je ne m’en remettrai jamais. Il deviendra mon morceau de cet été-là, et durablement un de mes titres favoris, que j’aurai continuellement plaisir à faire connaître à tous mes proches. Mais, globalement, de toute façon, sur cet album, les titres s’enchainent et se sont tubes sur tubes qui s’empilent : "Dance with me", "Don’t worry children", "Johnny too bad"…


Mon été se terminera tranquillement, avec quelques souvenirs supplémentaires. Je rentrerai chez moi, avec cet album (et quelques autres) et pendant longtemps je n’en saurai pas plus sur ce groupe. J’écouterai inlassablement cet album, intrinsèquement lié à ce séjour. Je n’aurai plus jamais de nouvelles de Gabrielle et Philippe. The Lords Of The New Church reste attaché à ces moments passés, et le resteront toujours. Je finis par croiser le nom du groupe dans mes lectures de Best, à ma grande surprise. Le groupe soudain, ne m’appartenait plus totalement, d’autres connaissaient. Au lycée, seul David G en avait entendu parler (et plus que ça). J’appris que c’était un projet qui réunissait des gloires du Punk, du Garage. Un "super groupe" en quelque sorte, réunissant Stiv Bators des Deads Boys et des membres des Damned, Barracudas et Sham 69. Un groupe peut être au départ, pas forcément pour durer. Je vis une photo d’eux, et je fus relativement déçu par le look qu’ils affichaient : bandeaux, bottes, cheveux ébouriffés, maquillage (Les Duran Duran ne sont pas loin, mais en plus trash, les « garçons coiffeurs » étaient nombreux début 80). Cela ne correspondait pas à l’idée que je m’en étais fait, je les voyais plus romantiques, un peu à la manière d’And Also The Trees. C’était se méprendre. Plus tard, en cherchant dans les bacs, je suis tombé sur ce fameux disque. La pochette me rebuta quelque peu. Le graphisme ne m’inspirait guère. Une cover sombre et aux allures gothiques grossières. Passé ce premier ressentiment, je me décidais à l’acheter, après tout, il s’agissait de cet album qui m’était si cher. Et j’étais tout heureux enfin de pouvoir en profiter pleinement. La sous pochette m’en donnait encore plus à voir sur les personnages. C’était un choc, je ne les avais jamais imaginés de la sorte. La musique souvent vous construit inconsciemment des représentations et il y a quelques fois de grands écarts (pourtant le nom aurait pu me donner la puce à l’oreille). Pour Duran Duran je n’ai jamais été surpris par leur extravagance car je les avais vu en photo à peu près en même temps que j’avais écouté leur musique. Là pour les Lords c’était tout l’inverse. Un peu de déception à la clé, je l’avoue, mais leurs chansons étaient toujours aussi fantastiques. "Live for today" deviendra un hymne… Quelques temps plus tard, j’acquis le premier album éponyme. La pochette hideuse me fît longuement hésiter. Mais la curiosité me poussa à aller jusqu’au bout. Après tout si le second était si bon, le premier ne pouvait pas être mauvais. Le groupe en cover (une illustration) me paraissait ridicule (des mecs habillés comme des pirates, sorti de Mad Max ou de séries Z d’épouvante). Passé ces préjugés, l’écoute de cet opus, fût encore une fois, déboussolante. Plus Punk indubitablement, Les Lords annonçaient la couleur. Des titres imparables là aussi comme "Russian roulette" bien sur, mais "Open your eyes" et "Holy war" annonçaient la suite. The Lords Of the New Church ou le lien, le chainon manquant entre le Punk, et la New Wave, Coldwave Gothique : à la fois, Rock, énergique, quelques fois seventies, et puis d’autres fois désespéré, lugubre, sombre, mais des mélodies toujours évidentes. Au fil du temps, je me familiariserai avec ce design, et j’en apprendrai bien plus sur le chanteur (Bators). Je découvrirai le personnage, ses frasques, les Dead Boys. Mais finalement je n’irai jamais plus loin que ces deux albums. Je n’ai jamais osé aller au delà, et j’ai figé le groupe à cette période de mon adolescence avec ces deux disques géniaux. Par fétichisme me direz-vous. Aujourd’hui les Lords sont un peu sortis des mémoires, des radars, des tuyaux, et sont rarement cités comme référence, aller savoir pourquoi ? Un jour, il me faudra me pencher sur la discographie plus récente, je vous en parlerai peut-être. Et en attendant si vous ne connaissez pas, foncez sur ces deux albums, en passant surement l’effet rédhibitoire des pochettes.

A Gabrielle & Philippe…






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