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Rex...

En France Rex est inconnu, comme tant d'autres groupes, rien de nouveau. Aucune trace de ce projet sur la toile "francophone", si ce n'est une chronique de leur deuxième album "C" sur le webzine X Silence. Pas beaucoup plus non plus en anglais... Ce groupe semble faire partie des illustres "inaperçus", allez savoir pourquoi Charles ? Pourtant il s'agit d'un groupe composé de quelques gloires de l'Indie américain : Curtis Harvey (Loftus, Pullman, The Letter E), Doug Scharin (Him, June of 44, Codeine, Directions, Enablers, Out of Worship…), Phil Spirito (Loftus, Orso…), Kirsten McCord, et en soutien au violon Julie Liu (Him, Mint Aundry, Sweeder, Team Xiaoping, Orso et parait-il Seam). La faute peut être, d'avoir sorti des disques à un moment où la production phonographique indépendante américaine était florissante, où la scène Chicago/Louisville était à son apogée. Rex n'a donc pas marqué les esprits, ou focalisé l'attention plus que ça, induisant que ce n'était qu'un side-project de plus.

Rex est né en 1991, formellement. Dans le Maine, où Curtis Harvey résidait. Doug Scharin ne s’y consacrait qu’occasionnellement, car très occupé par ailleurs, au sein de Codeine. Mais de leur collaboration épisodique, des enregistrements finiront par voir le jour, et un premier album éponyme sortira en 1995, hébergé sur la structure anglaise Southern Records qui possédait des bureaux à Chicago. Je me souviens d’une chronique dithyrambique dans un des premiers numéros de Magic (le n°2 je crois avec la couv de Dominique A), écrite par Morvan Boury au sujet de cet album, qui il faut bien le dire, aiguisa ma curiosité à l’époque. Boury écrivait bien et difficile de faire mieux que lui… De mémoire, il notait l’écueil qu’avait évité Rex, d’être un « super groupe » redondant, et qu’il dévoilait plutôt un disque hautement recommandable à plusieurs titres.


J’étais en 1995 totalement absorbé par cette scène. Je guettais les moindres disques qui pouvaient y être affiliés. Les new-yorkais Codeine (le groupe de Doug Charin, de Stephen Immerwahr mais aussi en leur temps de Chris Brokaw, que l’on verra en compagnie de Curtis Harvey dans Pullman, de David Grubbs) me fascinait. Leur Slowcore a marqué sans aucun doute toute une génération de musiciens. Je suivais activement ce que l’on appelait communément la nébuleuse Chicago/Louisville et des groupes comme Tortoise, Slint, Seam, Bastro, Directions, Squirrel Bait, King Kong, For Carnation, Brokeback (énumération aléatoire et sans chronologie aucune). Chacun des membres de ses différents groupes s’illustraient dans des projets variés et à travers de multiples collaborations, les uns et les autres se retrouvant régulièrement ou de manière plus épisodique. Rex est de ceux-là. Poussé par la chronique de Boury au sujet de leur premier album, je décidais de m’y pencher dessus : d’abord en Cd (quelques années plus tard mon ami Stéphane me l’offrit en vinyl). Et je ne fûts pas déçu… Ce disque me fit la même impression que le premier Codeine justement ou le « Spiderland » de Slint : un choc. Pour des raisons différentes. Ce premier disque méconnu inaugure une discographie relativement modeste (3 albums, un Ep et quelques singles) mais particulièrement passionnante. Ce premier disque révèle un groupe à la personnalité bien trempée, qui montre qu’il ne s’agit pas que d’un simple clone de Slint ou Codeine. Même si ces figures tutélaires ne sont pas très loin, Rex dépasse ce clivage. Cet album se livre lentement. Il est plus complexe qu’il n’y parait à première vue, et sa singularité nous apparaît progressivement. On comprend peu à peu que l’on tient un disque essentiel entre les mains, voir majeur. Rex n’est pas que dans la récupération de formats déjà éprouvés, tel que ces morceaux se développant lentement, avec une tension latente et une explosion soudaine. Non, le Sadcore de Rex va plus loin, il traîne aussi dans les méandres d’un Psychédélisme épuré et sobre. Le chant de Curtis Harvey est en retrait, murmuré, et la batterie de Scharin n’est pas que mathématique. Il y a bien sur ces moments de fulgurances sonores, mais il y a surtout des morceaux mélancoliques, acoustiques, boisés, bucoliques du coup. C’est sans doute la force de ce groupe réunissant des individualités avec des esthétiques variés. Sur l’échiquier du Post-Rock/Slowcore, Rex est difficile à situer. Avant For Carnation, Rex a aussi réussi à dompter le silence et à donner à ses compositions une profondeur intimiste. Harvey est un poète délicat et ses textes se marient parfaitement à l’univers sonore que le groupe tisse méticuleusement, entre folk décharné et progressions harmoniques instrumentales. Ecoutez donc des titres comme "Come down", "Angel Tune he hums" ou le très slintien "This is a recording"...


En 1996, Rex s’installe à Brooklyn et dans la foulée sort son second album "C" toujours sur Southern records. Cette fois-ci il n’est même pas édité en vinyl. Le visuel de la pochette est moins figuratif que le précédent, avec cette photo de 1900. Cela annonce une évolution. Coproduit par Brian Deck de Red Red Meat et le groupe, ce disque est plus étoffé à bien des égards. Tant en effectif qu’en épaisseur musicale. En effet on retrouve bien plus d’invités, en premier lieu Bundy K Brown, un des fondateurs de Tortoise sur le titre « Audrey ‘la mort » à la basse (on reverra le bonhomme avec Doug Scharin au sein de Directions, et avec Harvey dans Pullman), mais aussi Tim Rutili de Califone et Red Red Meat, Brian Deck, Poppy Brandes au violoncelle (que l’on voit dans Sea & Cake, Isotope 217, Freakwater…) et même Phyllis Harvey, je suppose la compagne de Curtis… "C" est un chef d’œuvre, n’y allons pas par quatre chemins. C’est une œuvre totalement aboutie et maitrisée. Moins intimiste que le premier album certes, plus lumineux sans doute, ce disque est celui de la maturité pour Rex. Les titres se déroulent plus optimistes, et encore plus complexes instrumentalement. La Voix de Harvey est plus en avant, tout en restant discrète. Tout y est prodigieusement beau… On peut dire qu’il s’agit d’une musique de chambre indie-rock, sans être original, la démonstration avec le morceau "Porcelain", sublime pièce au piano et au violoncelle et violon… Rex ne respire pas la joie, mais sur "C", c’est une tristesse plus pondérée, plus assumée. Le rythme y est toujours lent, les notes y sont feutrées, avec des boucles d’arpèges inlassables et bien sur quelques effusions sonores jouissives comme sur le magnifique "New Dirge", un titre long et magique, puissant, qui se termine avec une montée électrique mémorable. On détecte aussi du banjo, de la trompette, du piano donc et même de l’accordéon (Curtis Harvey est un multi instrumentiste génial), une instrumentation plus riche, riche en émotions (du fait peut être des différentes expérimentations de Scharin au sein de Him et Directions). Voici ce que Rex à l’époque affichait sur son site web, qui n’existe plus : « Rex is a worthy inheritor of the Velvet Underground's chamber-rock legacy... Rex creates a mesmerizing atmosphere... The instruments curl lazily around each other like smoke rings. » Avec cet album le groupe tournera en compagnie de Sebadoh et Sea & Cake, j’aurai bien sur donné tout l’or du monde, pour les voir à cette époque sur scène… A noter que tous les disques sont masterisés par John Loder, fondateur de Southern Records (aujourd'hui disparu)… Entre 1995 et 96 deux singles verront le jour "All/Nayramadin Orgil" et "Leak Through/Pour Down" ainsi que le Ep "Waltz". Des disques indispensables pour s’imprégner pleinement de ces climats singuliers et loin d’être anecdotiques.


En 1997 enfin la discographie de Rex se conclue avec "3". Le groupe disparaitra des radars par la suite. Le disque glisse peu à peu vers un folk-rock plus marqué, avec un quatuor à cordes à plein régime. Plus calme, plus apaisé que les précédents efforts, "3" est parfois rapproché de Palace avec un côté plus expérimental à la manière de Tortoise. C’est une musique cette fois-ci totalement paisible, idéale pour une introspection. C’est l’accompagnement parfait, la bande sonore pour des déambulations intellectuelles ou des voyages silencieux avec des images de paysages défilant sous nos yeux (en train, en voiture…). Certains feront de Rex un représentant de l’Alt-Country, d’autres du Gothic-Country, j’avoue ne pas forcément souscrire à ces terminologies. Rex est un projet fabuleux et j’invite les auditeurs à s’y pencher dessus, vous ne serez pas déçu… Curtis Harvey par la suite rejoindra Pullman, comme dit plus haut. Pullman q

ui d’ailleurs sortira un premier album en lien avec "3". Puis ensuite montera son projet personnel Curtis Harvey Trio, dont deux albums paraitront chez Fat Cat, le label anglais… Doug Scharin quant à lui se démultipliera dans de nombreux autres projets.

P.S : Un single split sortira aussi en 1997 sur Temporary Residence avec Songs:Ohia... Superbe !





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