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La distribution... Un sac de nœuds...

Dernière mise à jour : 11 mars 2022

Dans l’existence d’un label et des disques qu’il édite, il y a une étape cruciale, celle de la distribution. Cette étape est bien entendu intimement liée à celle de la promotion. J’ai commencé à aborder celle-ci dans les articles intitulés "J’aurai voulu être rock-critic". J’ai également le désir, depuis quelques temps, de consacrer un écrit sur les labels. Une sorte de répertoire avec une sélection subjective des structures qui m’ont marqué, accompagné de commentaires, d’avis, d’élucubrations et digressions diverses, sur ce qu’est un label, son fonctionnement, ses attributions, ses velléités ; tout ça à travers le prisme de ma propre expérience.



A l’époque si votre label n’était pas distribué, la presse musicale ne tenait pas compte de vos sorties (ou alors à de très rares occasions), au mieux celles-ci pouvaient être traitées dans la rubrique "démos" ou "activités souterraines". C’était un postulat.

Le distributeur, vous savez, c’est le nom qui suivait celui du label, sous le nom de l’artiste et celui du titre du disque. C’est souvent sous cette forme que cela était notifié (et que ça l’est toujours, il y a des choses qui ne changent jamais). Un distributeur est une organisation souvent commerciale (je n’en ai connu qu’un sous la forme associative) qui est censée permettre la diffusion des productions éditées par le label. En clair, c’est l’intermédiaire entre les labels et les magasins.

Quand j’ai commencé le label je n’avais donc pas de distribution. J’avais bien cherché, mais le format de mes productions (les deux premières en CDR) ne les intéressait pas. Il fallait des disques manufacturés, sortis d’usine, avec un code barre et tout le bordel… Du coup, j’ai assuré la distrib moi-même, en vendant de la main à la main, lors de concerts et autres manifestations, par correspondance, via un site web "multimania" balbutiant. Un seul mail-order accepta d’en prendre en dépôt (Meridians anciennement le Biscuit Club, Olivier et Fabien), aucun disquaire. Les débuts furent donc laborieux, sans vraiment beaucoup de médiatisation, ce n’était pas le départ rêvé, mais un départ quand même, à mon image, discret et brinquebalent (pour le côté amateur "mais tous les artistes sont des amateurs" d’après Satie)…

C’est avec la 3ème sortie du label que j’ai réussi à décrocher la timbale… J’étais en effet parvenu avec la compilation "Bucolique vol.1" à réunir quelques groupes et/ou projets (Hood, Chris Brokaw, Billy Mahonie, Chessie, Rothko, Acetate Zero, Bertuf, Twisted Science…) qui avaient une certaine visibilité et reconnaissance sur le circuit. Je les avais invités, tous à travailler sur une thématique commune, la nature et le lien étroit de la musique avec celle-ci. L’idée globale était de partir du postulat que la musique génère des images, d’autant si elle est orientée. Fort de mon tracklisting je me décidais à contacter les distributeurs qui existaient à l’époque pour être distribuer sur le territoire national. J’avais établi une petite liste, mais il y en avait un qui commençait à occuper une place qui semblait de plus en plus prépondérante, tandis que d’autres commençaient à battre de l’aile (Tripsichord par exemple). Beaucoup de labels semblaient être distribuer par leurs soins, dont un bon nombre de labels français que je côtoyais de près ou de loin. Il s’agissait de Chronowax. A l’époque Chronowax commençait à avoir un catalogue énorme, et un sacré paquet de labels indés passaient par eux. Je pris mon courage à deux mains, et je me décidais à les contacter. Je fis un mail à une adresse générale, en expliquant ce qu’était arbouse recordings et le projet de la compilation. Je reçus quelques temps après une réponse de Jérôme Mestre, qui fût un temps mon interlocuteur. Mestre c’était l’ex vendeur de Rough Trade à Paris, et le fondateur du label Artefact. J’en avais entendu parler par Stéphane (Orgasm records, Acetate Zero…) qui avait "dealé" avec lui une licence pour le disque de Mr Quark "A Tour Of My Subatomic Thoughts". Il me demanda quelques informations sur le projet et me donna son accord pour distribuer le disque. Je fis donc fabriquer l’objet en ayant l’assurance que celui-ci soit disponible dans les magasins de France et de Navarre. C’était un grand pas en avant. Quand Mestre me fit passer les contrats de distribution, je n’avais aucune connaissance exacte sur cette filière et sur ce business. Je savais seulement qu’ils me permettraient de diffuser plus largement mes productions. J’ai conservé ces contrats dans un dossier, quand je m’y replonge dedans, je n’y comprends toujours absolument rien. C’était assez obscur, ce langage juridique, voir hermétique. Je n’avais bien entendu aucune formation juridique, mais je signais sans sourciller, trop heureux d’obtenir le graal. Il fallait que je leur livre une certaine quantité de disques pour une certaine date. L’usine de fabrication du Cd devait donc du coup tenir les délais. Par ailleurs, Chronowax me proposait dans son contrat de me rétribuer le disque à un prix particulièrement bas. Si je voulais qu’il soit en magasin pas trop cher (entre 18 et 20 €), il me proposait de m’acheter les disques 5 € et quelques pièce. C’était dérisoire… Mais je n’avais pas le choix. C’était les conditions. Je découvris aussi le système dit des "retours", qui était de rigueur dans le monde du disque tout comme celui du livre (et qui l’est sans doute toujours). Un fonctionnement curieux et particulièrement peu fiable, que j’ai appris à mes dépends. Le principe : le distributeur place les disques dans différents magasins, te demande ensuite de facturer ces disques placés. Puis plusieurs mois après, les magasins renvoient les disques invendus, et le distributeur te demande de les payer. C’est une véritable arnaque. En fait il ne fallait pas confondre placés et vendus, ce n’était pas la même chose et je l’ai appris rapidement. Si tu avais le malheur d’investir dans un nouveau projet l’argent que tu avais touché suite aux placements, tu étais dans une sacré merde pour payer les "retours". J’en fis les frais plusieurs fois. Je n’avais pas vraiment des talents de gestionnaire.


"Bucolique vol.1" bénéficia d’une bonne diffusion, conjuguée sans doute à une promo que j’avais essayé de rendre la plus efficiente possible. Les chroniques de la presse étaient plutôt bonnes. Je communiquais bien sur toutes ces coupures au distributeur afin qu'il puisse les utiliser dans son argumentaire de ventes. Je ne sais plus par la suite si j'ai signé d'autres contrats pour les autres sorties ou si le premier contrat faisait office pour tout le reste. Je crois que oui, il était automatiquement reconductible, sauf en cas de dénonciation avant un délai. Chronowax me proposa d'assurer la promotion de mes disques, monnayant une certaine somme pour chaque sortie. Je déclinais gentiment leur offre en leur expliquant que je n'avais pas les moyens financiers et que je n'avais pas d'autres choix que de le faire moi-même (avec une réussite néanmoins plus qu'hasardeuse). Ils proposaient différents "packs", selon les besoins. Tous étaient trop chers. Depuis le début, je trouvais que mes sorties n'étaient pas forcément très "mises en avant" par Chronowax. Bon une fois ils m'avaient proposé d'intégrer un titre sur un sampler promo (j'avais filé le fabuleux "Your Godlines And Peripheral Sides" d'Acetate Zero, tiré de "Ground altitude"). Mais globalement je devais déjà batailler pour qu'ils mettent les sorties dans les news sur leur site, souvent ça passait à l'as. En déclinant leur offre de promo, je n'étais plus clairement qu'un label lambda parmi tant d'autres. D'ailleurs c'était sans doute ça le drame, j'étais noyé dans un catalogue immense, où tous les vendredis des centaines de disques étaient proposés, avec des labels qui avaient bien plus de visibilité et de réputation que ma microstructure. Je me débrouillais tant bien que mal et j'essayais de tirer mon épingle du jeu en essayant d'être original quant à la constitution de ma ligne éditoriale. Ce fonctionnement dura quelques années jusqu'en 2005 environ date à laquelle Chronowax a fondu les plombs. J'étais monté une fois à Paris et j'avais profité de l'occasion pour aller les voir. Je m'étais présenté physiquement et j'avais pu me rendre compte des conditions d'exercice de leur activité. J'y avais croisé d'ailleurs un certain Fred qui y bossait et par ailleurs fondateur du label Ruminance. Les bureaux de Chronowax ne payait pas de mine. Il y régnait une ambiance très parisienne, à première vue désorganisée. Mon passage ne les avait pas enthousiasmé plus que ça et j'étais reparti discrètement. Je n'ai jamais trop su pourquoi la structure s'était effondrée, quelle en était les véritables raisons. Peut être comme souvent à force de construire des grosses machines, elles surchauffent et s'écroulent comme des châteaux de cartes (comme des tas de fois, des tas de labels et distributeurs). Je reçu un courrier m'annonçant la fin de la structure, le règlement des sommes dues et le rapatriement des stocks de disques. Tout à coup mon garage se remplissaient de cartons avec des tas de Cds étiquetés Fnac, Cultura, Virgin ou autres. Il me fallait tout recommencer. L'histoire de mon micro-label est ainsi ponctuée par cette recherche désespérée de distributeurs.

En même temps que la distribution française j'essayais aussi de développer celle à l'étranger, et alors là, tout comme la promo, c'était complétement dingue. Selon les pays, j'avais réussi à établir parfois des liens étroits avec des structures et dans d'autres aucun. Les négociations étaient souvent âpres et régulièrement peu à mon avantage. Les distributeurs achetaient les disques à des prix indécents et souvent à peu d'exemplaires. Au Japon j'ai longtemps fonctionné avec Plop/Inpartmaint (puis P*dis). Ils étaient peu loquaces mais étaient particulièrement sérieux. Ils me prenaient pour le coup, selon les références, pal mal de quantités. Mais à des prix "à raz les pâquerettes". Leur point fort c'était qu'ils me payaient également les frais de port pour l'acheminement des disques. Et qu'ils achetaient ferme. Aucun retour. C'était la grande classe. Quelques fois ils me passaient plusieurs commandes consécutivement. C'était la grande époque. Acetate Zero fonctionnait bien au pays du Soleil Levant, tout comme quelques références plus électroniques, je pense au split Alc Levora/Schneider TM, ou Sink, jusqu'à dernièrement l'hommage à Satie, qui reste sans doute la réf la plus vendue par leurs soins. Je mettais également rapprocher de magasins directement tel que Tower records ou Linus records. Pour l'Europe je travaillais essentiellement avec l'Angleterre avec Norman records, de Leeds. Phil mon contact était un gars sympa (qui l'est toujours bien sur) et me prenait quelques disques de chaque référence. Là aussi les prix étaient bien bas, mais je n'avais pas vraiment d'autres alternatives. J'avais bien essayé auprès de Boomkat mais ces derniers n'ont jamais dédaigné me faire un retour. Je crois qu'ils avait distribué le Alc Levora/Schneider TM, mais je ne sais pas par quel canal il était arrivé dans leur référencement. Il y avait eu aussi Bleep, le site online de Warp, juste "Musique pour Statues-menhirs" où il y avait Mira Calix. Mais ils ne m'en ont pris qu'une poignée de copies, qu'ils ne m'ont jamais réglé soit dit en passant... Pour le reste de l'Europe c'était le désert. Aucun distributeur, malgré mes tentatives répétées. En Espagne, en Allemagne, en Scandinavie, au Benelux, que dalle... J'en ai dépensé de l'énergie dans ces investigations. J'essayais de passer par des labels, de trouver des portes d'entrée, mais il n'y avait rien à faire. J'ai eu parfois des touches (Staalplaat en Hollande, ou Konkurrent, Border en Suède, A-Muzik ou Anost, le truc de Morr Music en Allemagne, Green Ufos en Espagne...), mais rien ne vit le jour. Mes disques devaient leur apparaître comme "invendables", surtout en l'absence de promo. J'eus des expériences malheureuse avec Namskeio en Suisse qui me prit des disques, mais qui ne me les paya pas dans leur totalité et surtout très longtemps après, suite à une bataille sans relâche. Namskeio a fini par disparaître, avec je crois pas mal de dettes (le mec se nommait Sandro), de même au Portugal avec Materia Prima qui a disparu sans laisser plus aucune trace (et qui vends sous ce nom encore sur Discogs). En Italie, je ne sais même plus le nom de ce distrib, qui là aussi ne me donna plus aucune nouvelle. Des déboires en pagaille, et des expériences malheureuses qui ont fini par m'épuiser. Pour les States c'était pire. Je n'ai jamais réussi à convaincre une structure. Malgré tous mes efforts et mes tentatives. J'ai tout tenté, des mails innombrables, des courriers, avec des disques. Mais là encore, aucun retour. Forced Exposure ou Midheaven/Revolver, j'ai essayé des centaines de fois. Ca fonctionnait toujours de la même façon. Je faisais un mail, un gars me répondait (je me souviens le type de Forced Exposure c'était Jimmy), en me demandant de leur envoyer un courrier avec des exemples de ce que je voudrais faire distribuer. Et puis après silence radio malgré mes relances. Pourtant leurs listes de labels distribués sont colossales. J'ai même essayé de leur vendre juste le fait de les proposer, de mettre en ligne et de leur envoyer en fonction des commandes, mais non, il n'y avait rien à faire. J'ai fini par abandonner, mais il m'aura bien fallu 15 ans pour lâcher prise. Dernièrement en sortant le disque de John Davis (ex The Folk Implosion) & The Cicadas, Midheaven en a pris en distribution. Pour la première fois, un disque du label était distribué par leurs soins. Mais ce n'était même pas moi qui avait réussi cette négociation, c'était John directement. Je me suis dit que j'allais me saisir de l'opportunité pour leur proposer le reste du catalogue, mais mon espoir fût immédiatement douché. Ils n'étaient pas intéressés. J'ai tout de même bosser un temps avec Tonevendor (et leur label Clair records), qui me prenait des skeuds. De petites quantités, mais c'était déjà ça. Mais surtout à des conditions pitoyables... J'ai bossé avec eux, jusqu'à ce qu'ils plient. Là aussi le gars vend encore sur Discogs des références, mais a disparu de la circulation... J'ai bossé aussi avec Darla records pour le Melodium. Mais il n'y avait que ça qui l'intéressait. Je me souviens là aussi que le paiement s'est fait attendre et que la négociation avait été affreuse. La distribution internationale, une véritable catastrophe.


Pour la France, après l'épisode Chronowax (qui ressuscitera sous le nom de Differ-Ant), il me fallait repartir en quête d'un nouveau partenaire. Il y avait La Baleine (dont la spécificité était d'être basé en Province, à Niort). Il y avait aussi Discograph (qui se la jouait très electro branchouille), Pias bien sur. Je formulais de nouvelles requêtes et j'envoyais à nouveau des mails en vois-tu et en voilà. La Baleine fût le premier et le seul distributeur à me répondre positivement. Mon interlocuteur fût Romuald. La négociation se fît rapidement, je me demande si c'est pas avec la sortie de Freedeal, que j'ai commencé à travailler avec eux ainsi qu'avec le back catalogue. Notre collaboration ne dura pas longtemps, au bout de quelques mois, Romuald m'informa qu'il souhaitait mettre un terme à notre association, jugeant mon label trop peu vendeur et donc pas assez rémunérateur. Tout restait à recommencer... Et là ça devenait de plus en plus difficile. Differ-Ant était indifférent à mes sollicitations (jamais trop compris pourquoi, vu que c'était des anciens de Chronowax), et tous les autres aussi. Pour la première fois depuis le début de l'aventure je n'avais plus de distribution, enfin depuis "Bucolique vol.1". Je devais compter sur mes seules ventes de mon site, sur celles à l'étranger et sur les quelques dépôts que je faisais chez des disquaires. Cette situation dura quelques temps, jusqu'à ce que je découvre un nouvel acteur de la distribution. C'était cette fois-ci une structure de Belgique : Cod&s. Je ne savais rien d'eux, si ce n'est qu'ils distribuaient des labels moins connus. Je pris contact avec eux. Ils commençaient leur activité, et je ne crois pas qu'ils étaient très nombreux. Mon contact était Jean François. Il accepta sans difficulté, nous commençâmes avec la nouvelle sortie du moment, à savoir l'album de ww.lowman "Plain songs". Mais peut être bien aussi pour le premier Thousand&Bramier. Je construisais avec eux pour la première fois une relation qui me semblait plus saine, moins "business" et plus passionnée. Je leur proposais de participer d'ailleurs à leur développement en m'improvisant commercial pour leur structure. Leur réseau de magasin était balbutiant. De mon côté j'étais très régulièrement à Toulouse et tout naturellement je leur soumettais l'éventualité de me rendre à la Fnac locale pour placer leur catalogue. Ce que je fis. Mais cela nécessitait pas mal de taf. il fallait que j'écoute les disques que Cod&s me faisait parvenir, de manière à savoir de quoi je parlais, et puis ensuite il y avait tout le côté suivi des disques placés, réapprovisionnement, commandes... C'était pas simple et surtout relativement incompatible avec toutes mes activités. Je ne fis cela que peu de temps au final, et par ailleurs Cod&s commença déjà à battre de l'aile faute de réseau, d'implantations, de moyens promotionnels et sans doute de capacité salariale pour tout gérer. Mais l'idée était bonne, mettre sur pied un distributeur humain, pas parisien, et moins commercial (que tout ce que j'avais pu croisé au préalable) me paraissait une bonne alternative, dommage. Une nouvelle fois il me fallait tout recommencer. Et là j'étais relativement démuni. Entre les distributeurs qui ne me répondaient pas et ceux qui avait disparu, je n'avais plus vraiment de solutions. Nous étions vers 2007. Je découvris par hasard une nouvelle entité. Je ne sais plus trop comment. Il s'agissait d'Anticraft, nouvel acteur sur la place. Je me demande si ce n'était pas à travers mes lectures, à la rubrique chroniques, je pense que j'avais dû lire leur nom, dans un canard dénommé Eldorado. J'entrepris encore une fois de les contacter, et recommencer le cinéma, présenter le label et ses disques et voir si l'on pouvait envisager de travailler ensemble. J'eus un interlocuteur sympa et accueillant, qui me proposa un contrat de distribution immédiatement. La boite semblait professionnelle et me demandait pleins d'éléments techniques. Je devais leur envoyer les disques sur Nantes, leur point logistique et leurs bureaux étaient sur Paris. Il fallait que je mette leur logo sur les pochettes (c'est la première fois qu'on me le demandait), il était pas très heureux, mais c'était une concession que je pouvais bien faire. J'ai commencé à bosser avec eux sur le disque d'Inlandsis. Leur catalogue ne me semblait pas forcément très en phase avec le mien, mais l'essentiel était d'être dans les bacs. Ils se sont plus emballés avec les références suivantes. C'était l'époque où je sortais le second Thousand&Bramier, le premier Thousand aussi (ils distribuaient les disques de H-Burns), le Le Coq et son "d'Arradon" (dont ils m'ont fait retiré des exemplaires, à tort à mon sens)... Anticraft semblait efficace, et trouvait ces disques formidables. Une fois n'était pas coutume, mon distributeur me paraissait soutenir mes choix artistiques. Enfin cela tenait à mon interlocuteur de chez eux. Nous nous sommes rencontrés sur Paris, rapidement, lors d'un concert de Thousand, pour lequel il semblait avoir une passion sans limite. Cela dura un temps, comme toujours, jusqu'au jour où le gars en question s'est barré de la boite (viré je crois). A partir de là tout est parti en vrille (j'aurai pu être plus grossier), comme dirait l'autre... Jusqu'en 2009 en gros, et ma dernière sortie avec eux et le "Hesitation Blues" d'Acetate Zero. La suite fût un cauchemar. Je n'eus plus aucun interlocuteur. La boite changea de nom au profit de MVS distribution, et surtout les paiements se sont totalement interrompus. J'ai bataillé des mois et des mois pour récupérer mon stock, et l'entreprise semblait coulait peu à peu. J'eus des courriers de liquidateurs me demandant de faire un récapitulatif des stocks, ça sentait mauvais. Après des mois de démarches, je réussis à rapatrier quelques disques et je dus m'assoir sur le produit des ventes réalisé : un nouveau naufrage.



A partir de cette période je n'ai plus réussi à trouver de distribution. Il faut dire que le paysage en dix ans c'était totalement modifié. Tous les distributeurs que j'avais connu étaient morts ou presque. La faute à pleins de facteurs, mais sans doute à cause de l'accélération du développement du streaming, de la musique digitalisée. Toutes ces structures ont été incapables d'anticiper ce virage, et les ventes physiques s'écroulant, ils ont tous été dans le rouge. En même temps à cette époque je m'étais rapproché d'une structure qui justement se spécialisait dans le domaine du numérique : Believe. Aujourd'hui c'est sans doute le plus gros prestataire du genre en France. En 2009, j'ai donc baissé la voile pour le label. Mon rythme de sortie est devenu plus aléatoire, et j'ai développé la vente directe, qui il faut bien le dire, s'était accrue. Je n'ai plus cherché de distribution. J'avais abandonné l'idée de solliciter à nouveau Differ-Ant pour éviter un nouvel échec. Je me suis donc "démerder", tant bien que mal. C'est un peu par hasard malgré tout, que j'ai tenté à nouveau l'expérience. Cette fois-ci avec le distributeur Inouï, basé à St Etienne. Là j'avais entendu parlé d'eux via des artistes, du temps de ma boutique de disques. Leur positionnement et leur philosophie m'a séduit : plus proches des labels, plus modérés aussi dans les objectifs, plus associatifs en somme. A ce jour je travaille toujours avec eux, mais de moins en moins, ayant fait le choix de faire des objets au tirage très limité.


On le voit à travers ce parcours, la distribution n'a jamais été une mince affaire. J'ai toujours regretté de devoir passer par ces structures intermédiaires. J'ai toujours rêvé de pouvoir m'en passer. Mais je n'ai jamais réussi à trouver un modèle économique viable (vente en direct, réseau de boutiques...). Qui plus est, comme dit plus haut, tout ça a été bouleversé par l'évolution de la musique et de ses supports. Même si le vinyl s'est maintenu (avec toutes ces particularités : le marché de l'occasion, les rééditions), il faut bien avouer que le consommateur de musique s'est peu à peu orienté sur les écoutes numériques. A partir de là la filière musicale s'est transformée. Editer des disques physiques aujourd'hui pose question, pour qui ? Pour quoi ? Les faire distribuer par qui ? Pour qui ? Le développement de plateformes tel que Bandcamp a transformé le marché. Un auditeur aujourd'hui passe directement par ce type de plateforme et finalement n'a plus besoin de se rendre dans une boutique pour trouver le skeud qu'il souhaite acquérir. Je ne connais plus la situation des distributeurs aujourd'hui. J'ai vu juste que Differ-Ant avait fusionné (par un rachat) avec Kuroneko, un nouvel acteur, qui offre ce qu'ils appellent une proposition de services à 360° : distribution physique et numérique, la fabrication des objets (ils ont des usines), la demande de subventions, la logistique... Un diversification sans doute nécessaire, mais suffisante ? D'autres structures existent bien aussi comme Modulor, depuis 2008 (que j'ai eu contacté, sans résultats) et qui a tendance à prendre une allure de super distributeur de labels indépendants (c'est aussi un label et une boutique) et qui apparait comme leur courroie (de distrib) pour la France (comme Drag City, Sub Pop, Ghostly, Kranky, Merge...). Je ne mesure pas bien s'ils arrivent encore à placer des disques de ces structures, auprès desquelles on peut acheter directement. Si je pars de ma propre expérience, il y a bien longtemps que je ne vais plus chez un disquaire acheter le dernier Pan American ou Grouper, je passe par le label directement ou le groupe (je trouve cette démarche légitime, au moins l'argent revient directement aux acteurs). Je ne sais pas s'il existe encore des types qui se déplacent dans une fnac ou une boutique, et qui achète le dernier Bonnie Prince Billy & Bill Callahan. Il y aussi L'autre Distribution (depuis 1995), en Indre-et-Loire, que je connais, pour avoir travailler avec eux du temps de ma boutique. Autre acteur : Bigwax distribution, qui a racheté La Baleine... Des structures comme Diggers Factory aussi, qui fabriquent et distribuent. Le marché se réorganise, survit, mais reste à mon sens fragile. Qu'en est-il véritablement aujourd'hui ? La pandémie aura-t-elle laissé des traces ? Il appartiendra d'en mesurer les effets plus tard et voir si elles seront indélébiles pour l'avenir.


On l'a vu, la distribution est liée à la promotion. En clair si vous sortez des disques, mais que personne n'en parle, qu'aucun média ne valorise, vous n'aurez aucune chance d'en vendre et donc d'en distribuer. Un distributeur est un commerçant (même s'il vous fait croire autre chose), son intérêt est de faire de la marge. Donc très simplement il place ce qu'il peut vendre. Cela a toujours été le cas. Rien n'a changé. Il serait intéressant de demander à des labels comme Kranky ou Thrill Jockey ou Drag City quelle est la part de ce qu'ils vendent directement et ce qu'ils vendent par l'intermédiaire de distributeurs. Je suis prêt à parier que la première alternative est la plus importante désormais, donc plus rémunératrice et donc la plus avantageuse pour le label et ses artistes. Ces labels ont désormais des modèles économiques qui leur permettent de se suffire à eux mêmes, bénéficiant d'une notoriété sans commune mesure, d'un catalogue d'artistes reconnu, se risquant de temps à autre, de lancer une nouveauté, de faire une découverte. Les microstructures sont condamnés à disparaître fatalement (et dieu sait qu'il y en a qui ont disparu). Elles n'intéressent finalement personne, pas les distributeurs, bien sur, mais ni les auditeurs, car ils n'ont absolument pas connaissance de leur existence et s'en foutent (en général). Comme il était prévu, de longues dates, la musique se globalise, resteront quelques labels indés devenus géants, Spotify, Youtube, Google et Apple...


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