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Polyrock...

Dernière mise à jour : 20 janv. 2022

J’ai fait le choix de la chronique autobiographique, parce que je ne sais pas faire autrement. J’ai bien essayé la critique détachée, juste circonscrite à la musique. Mais je ne suis pas bon dans cet exercice. Ça ne veut pas dire que j’excelle dans l’exercice qui consiste à parler d’un disque étroitement lié à mon parcours de vie. Mais il me semble que cela donne un peu plus sens à ma démarche globale. J’y trouve plus de pertinence, plus de vie, même si je comprends bien que cela peut paraître inintéressant pour un lecteur lambda. Les "Rock-critics" s’offusquent de la situation actuelle, où parait-il, tout un chacun désormais peut donner son avis sur tel ou tel disque et/ou artistes. Ils s’indignent à tort ou à raison (se justifient aussi), de la perte de leur sacrosainte position, celle d’experts, au profit d’une multitude de gens, qui à leurs yeux, s’improvisent critique, en lisant 3 pages Wikipédia et en ayant une connaissance de la musique somme toute sommaire. Pourquoi pas… Mais l’essentiel finalement n’est pas là. La presse musicale est en crise et elle l’aura bien cherché. De mon côté il s’agit davantage d’une démarche personnelle, qui va avec l’âge. Ecrire sur la musique et montrer le lien ténu entre celle-ci et ma petite existence est un besoin primaire, et une constante.


Il en va ainsi aujourd’hui pour un groupe dont, pendant longtemps, je n’ai jamais rien su : Polyrock. Comme raconté dans d’autres articles, au début de ma 3ème, je vivais chez mon frérot. Ce dernier avait fait la connaissance d’un garçon qui avait la chance d’avoir un oncle avec une discothèque absolument fascinante. Ce garçon faisait passer des vinyls à Eric mon frérot très régulièrement. Nous écoutions ensuite ces skeuds avec frénésie. Je l’ai déjà évoqué, c’est comme ça que j’ai découvert le premier Gun Club "Fire of Love" ou le "Stranglers IV (Rattus norvegicus)" des Stranglers et tant d’autres : Talking Heads, Marquis de Sade, Marc Seberg… Un jour, Eric est revenu avec un disque dont la pochette était toute noire, avec en gros, en haut de la cover, occupant toute la largeur le nom Polyrock (il s’agit de la version française, car les autres éditions Polyrock est écrit en jaune). Au verso des vignettes des membres du groupe et les titres. Nous avons écouté attentivement l’album, il datait de 1980. A la première écoute, très sincèrement je ne fus pas très emballé, cela me paraissait moins évident que du Gun Club ou du Stranglers, plus hermétique. En tout cas il me semblait ne pas avoir toutes les clés en main pour apprécier pleinement leur musique. Cela me faisait penser à du Talking Heads, mais j’avais aussi un peu de mal avec ce groupe-là, leur côté répétitif me perturbait quelque peu. Il me fallut plusieurs écoutes, et plusieurs semaines, pour que je commence à y trouver de l’intérêt et que ces morceaux commencent à se révéler totalement à mes oreilles juvéniles. J’entrepris tout de même de copier l’album sur Cassette. Sur une de 60 minutes. L’album ne rentra pas dans sa totalité sur une seule face (sur l’autre j’avais "Rue de Siam" de Marquis de Sade), mais je m’en suis aperçu bien plus tard, une fois que nous avions rendu l’album à son détenteur et que la cassette s’arrêtait net sur l’avant dernier titre "Shut your face". Pendant de longues années, cette cassette m’accompagna, dans mon lecteur, de ma petite chaine, dans ma piaule ou bien dans mon walkman. Autant, au départ, j’eus des difficultés à me familiariser avec leur son, autant par la suite celui-ci est devenu addictif, au point de regretter de ne pas posséder l’album dans sa totalité. Je me mis à chercher des informations sur ce groupe, en vain. Je feuilletais mes revues dans l’espoir de trouver quelque chose. Mais rien, que dalle. Je ne savais rien sur eux. J’avais juste ce disque, pas complet, que je me passais en boucle et qui était devenu au fil du temps, un disque de chevet. Je m’étais habitué à cette voix aigues et suffoquée, à ce jeu de guitare nerveux, à ces rythmes répétitifs, et je ne m’en lassais plus. Le premier titre "Romantic me" ou "No love lost" m’obsédaient, et quand j’atteignais "Bucket rider" et sa ligne de piano, c’était pour moi le sommet d’émotions variées, toutefois souvent sombres. J’écrivais Polyrock partout, sur mes trousses, sur mes cahiers, sur mes classeurs. Il me semblait posséder un trésor, et j’avais la sensation de détenir un secret, cette drôle d’impression, d’être le seul à écouter un truc pareil. J’ai souvent fait découvrir ce disque, même aux plus avertis : Lionel le keupon de ma classe en 3ème, David G, un de mes premiers passeurs, Mimile, aucun d’eux n’en avaient jamais entendu parler. Polyrock était un mystère. Bien des années après au hasard d’une balade, à Avignon, je fouillais dans les bacs d’un disquaire ambulant. Je mis la main sur ce fameux premier album éponyme, dans un état tout à fait convenable et pour pas cher. C’était une époque où le vinyl n’avait plus la côte, où le Cd était la norme et où les mecs bazardaient leurs skeuds pour que dalle. C’était peut-être en 96 ou 97. On pouvait faire des affaires de ce temps-là. Cela faisait un moment que je n’écoutais plus mes cassettes, et je dois bien avouer que Polyrock m’avait quelque peu quitté l’esprit. Cette trouvaille réanima la passion. J’avais enfin l’album et je pouvais désormais en profiter totalement, et l’écouter dans sa globalité.



Quand je mis à nouveau ce disque sur ma platine et que les premières notes de "Romantic me" résonnèrent dans mon salon, ce fût un pur bonheur. A mon sens, il n’avait pas pris une ride. Conçu en 80, découvert en 86, et retrouvé en 96, cet album de Polyrock était à mes yeux toujours aussi parlant, toujours aussi innovant, toujours aussi efficace, toujours aussi désespéré. Entre 86 et 96, vous vous doutez bien qu’il s’en est passé des choses, et que de l’eau a bien coulé sous les ponts. Internet a vu le jour (enfin s’est déployé) et ma culture musicale, s’est quelque peu développée (en restant très modeste). En prenant le temps désormais de lire les informations au verso de la pochette, je remarquais que le disque était produit par Philip Glass et Kurt Munkacsi. Glass d’ailleurs figurait dans le line-up du groupe, crédité aux claviers et au piano. Je détenais enfin ma réponse quant à celui qui alignait ces notes de piano rapides et mélancoliques sur "Bucket rider". Philip Glass (et Munkaczi qui rejoignit le pianiste dans son ensemble), j’avais bien sur croisé son nom et j’avais bien sur écouté quelques disques, je n’étais pas encore très familier de son œuvre, mais je connaissais et mesurais son influence sur la musique contemporaine. A l’époque où il produisit et joua avec Polyrock, ce dernier avait déjà réalisé 8 albums. Il était un musicien d’avant-garde, reconnu, ayant collaboré avec Xenakis, Robert Wilson ou Paul Zukofsky. Au dos de la pochette je constatais également que le groupe semblait s’organiser autour de deux frères (enfin s’organiser, j’en déduisais ça car souvent j’avais pu constater que là où il y avait une fratrie, il y avait des responsabilités : Beach Boys, The Osmonds, Bee Gees, INXS, AC/DC, Oasis…). Ici, il s’agissait des frères Robertson (Billy et Tommy, respectivement aux guitares et aux voix). Le groupe était ensuite composé de 4 autres personnes dont une fille aux chœurs et percussions. Sur les infos de la pochette il y avait également mentionné le studio d’enregistrement (RPM studios) et New-York… Un indice.



L’information devenant plus accessible, j’entreprenais quelques recherches sur ce groupe et enfin je finissais par avoir quelques renseignements. Je découvrais qu’après cet album, il y en avait eu un deuxième "Changing hearts" en 81, puis un Ep "Above the fruited plain" en 82 et que c’était tout. J’appris qu’ils étaient bien new-yorkais, qu’ils étaient affiliés à cette scène arty de la "grosse pomme" (Talking Heads, Television) et que le projet était bien né d’une volonté des frères Robertson en 1978. De comment ils ont rencontré Glass et le pourquoi d’une telle collaboration, ça je n’ai jamais trouvé la réponse. En 80 donc ils signent sur l’énorme label/maison de disque RCA (Edition française RCA Victor) et sortent ce premier album tout noir, comme pour imiter et prendre le contrepied de Talking Heads et leur premier album tout rouge (de 77). Après je n’ai jamais réussi à trouver beaucoup plus d’éléments sur la genèse du groupe, ni même trop de chroniques ou d’avis sur leur musique. J’écoutais régulièrement ce premier disque, et je faisais désormais davantage de lien avec la scène new-yorkaise de cette période. Polyrock proposait une musique hybride, rythmée (dansante même), répétitive mais aussi sombre, sérieuse, difficile et mélancolique. C’était aussi l’expression d’une musique relativement minimale New-Wave, Post-Punk teintée de boucles électroniques (l’apport de Glass), de nappes de synthés, lui conférant un caractère unique : précurseur, « moderne » et inactuel. Bien plus tard, je me décidais à acheter le second album. Parfois il est difficile de passer l’étape du second opus tant on est attaché au premier (j’ai eu la même démarche avec Television). On a peur qu’il ne soit pas à la hauteur. Cette fois-ci la pochette est plus graphique (réalisée par Billy Robertson) et le son y est toujours aussi indéfinissable. Glass est à la production et on danse encore plus. Ils reprennent un titre des Beatles "Rain" et l’album recèle de titres merveilleusement écrits. Moins avant-gardiste, plus Pop, plus Synth-Pop même que le précédent, "Changing hearts" reste inclassable. Un disque qui semble malgré tout hésiter entre sonorités mainstream et expérimentations variées, donnant lieu, du coup à une production atypique, incongrue si on recontextualise la période. On est en 1981, il y a 41 ans…



Dernièrement, en surfant sur la toile je suis tombé sur des articles intéressants sur Polyrock. J’en ai découvert un sur Gonzaï, de son animateur principal Bester, datant de 2012, intitulé "Les perdants magnifiques de Polyrock". Si je ne partage pas vraiment le point de vue de l’auteur et ses figures de style, j’ai été emballé par le fait de ressortir le groupe de l’anonymat. Car il faut bien le constater, Polyrock est un groupe assez méconnu malgré l’intérêt artistique que recèle ces disques. J’ai été emballé qu’un support s’intéresse à cet ovni de la musique moderne, et heureux d’obtenir des données que je ne possédais pas (je n’ai toujours pas écouté le Ep de 82 d’ailleurs). Je ne crois pas tout de même à la théorie des "loosers", développée tout au long de l’article de Bester (non je ne trouve pas la pochette du second album hideuse, non ils ne sont perdants de rien, non "Changing hearts" n’est pas aussi inégal que ça...), en tout cas sur le fait que tout cela est été presque programmé et prémédité. Polyrock est un groupe qui n’a pas eu l’opportunité de briller, d’être identifié et diffusé plus largement. Quelque chose finalement qui tient plus du concours de circonstances, que d’une volonté artistique. Je n’interprète pas cette fin rapide, par le fait qu’ils n’ont pas su sur quel pied danser (une autre chronique sur le webzine Sun Burns Out), trop "Polydisco" peut-être (bien vu)... Mais peu importe, voilà des papiers qui ont eu le mérite de mettre un peu de lumière sur un groupe qui le mérite amplement à mes yeux, et pour lequel j’ai tant d’affection. Polyrock (et surtout ce fameux premier album) c’est un peu la BO de mes 36 dernières années, le souvenir ému d’une découverte adolescente et sa maturation lente, son côté énigmatique pendant de nombreuses années, comme un joyau jalousement préservé et sur lequel je pouvais échanger seulement avec mon frérot, car nous semblait-il, nous étions les seuls à en connaître l’existence…

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